Quand la justice s’emmêle : les plus grandes erreurs
La France, représentée par une Marianne arborant fièrement la balance de la justice, a toutefois a été le théâtre d’importantes erreurs judiciaires. Retour sur les affaires les plus polémiques.
Les condamnations erronées en matière pénale entachent la belle histoire de la patrie des droits de l’homme. Même si le code de procédure pénale permet la révision d’un jugement définitif, un nombre infime d’erreurs judiciaires a été officiellement reconnu par la Cour de révision de la chambre criminelle de la Cour de cassation. La médiatisation de ces erreurs ne date pas de l’époque contemporaine, mais remonte au XVIII siècle avec le développement de l’opinion publique en France.
Les scandales historiques
Les erreurs judiciaires ne sont en effet pas l’apanage de l’époque contemporaine, depuis Les Lumières de grands scandales ont émaillé l’histoire du droit pénal français. Dès le XVIII siècle, le célèbre Voltaire avait ardemment dénoncé le procès expéditif et la tragique condamnation de Jean Calas. Le 9 mars 1762, ce commerçant d’origine protestante a été condamné au supplice de la roue pour le meurtre de son fils de 29 ans qui s’était en réalité suicidé. Le parlement de Toulouse, malgré l’absence de preuves tangibles, a néanmoins condamné à mort le négociant qui a été exécuté dès le lendemain. Le parlement de Paris l’a réhabilité en mars 1765, trois ans après son exécution.
Peu de temps après l’affaire Calas, celle dite du « Courrier de Lyon » constitue un autre exemple d’erreur judiciaire, qui cette fois n’a pas conduit à la réhabilitation du jugé coupable. En avril 1796, une diligence postale de Lyon est attaquée par des bandits qui volent le butin et assassinent les deux employés. Joseph Lesurques est condamné et guillotiné le 3 octobre 1796 pour ce crime, clamant en vain son innocence. Lorsque le véritable coupable est démasqué en 1800, la famille du défunt Lesurques demande la révision du procès, mais n’obtient pas sa réhabilitation officielle.
La plus célèbre erreur judiciaire de l’histoire de la justice pénale française est certainement la condamnation en 1894 du capitaine Alfred Dreyfus. Dans un climat d’antisémitisme ambiant, tous les regards se sont tournés vers ce militaire d’origine juive lorsqu’il s’est avéré que des secrets étatiques ont été transmis à l’ennemi. Même si l’identité du vrai traitre est découverte dès 1896, Dreyfus ne sera innocenté par la Cour de cassation qu’en 1906. Cette erreur judiciaire s’est transformée en une affaire d’envergure nationale, déchirant la France entre les « dreyfusards » et « antidreyfusards », en particulier avec la publication du célèbre pamphlet « J’accuse… ! » d’Emile Zola en 1898.
L’affaire Doize, bien que moins connue du grand public que les affaires Calas ou Dreyfus, représente un autre cas de condamnation erronée. En 1861, Rosalie Doize est suspectée d’avoir tué son propre père et elle est jetée en prison. Enceinte, elle avoue un crime qu’elle n’a pas commis pour protéger la vie de son enfant. Elle est condamnée aux travaux forcés à perpétuité par la cour d’assises de Douai, mais obtient son acquittement en 1862 lorsque les vrais coupables sont arrêtés. Elle aura toutefois perdu son enfant en raison des conditions précaires de son incarcération.
Les affaires contemporaines
Malgré la consolidation du système pénal français au XXème siècle, des faux pas mémorables ont également été commis à l’époque contemporaine.
Dans les années 70 l’affaire Roland Agret a été très médiatisée, notamment en raison des coups d’éclats de l’accusé pour affirmer son innocence. Roland Agret a été condamné en 1973 à 15 ans d’emprisonnement pour un assassinat qu’il n’a pas commis. Il a utilisé tous les moyens à sa disposition pour attirer l’attention des médias grâce à des actions « choc » : grève de la faim, mise à l’épreuve de l’autorité carcérale, atteinte à son intégrité physique – au point de se couper deux phalanges et de se tirer une balle dans le pied. Il obtient la grâce présidentielle en 1977 mais il n’est formellement acquitté qu’en 1985. Roland Agret a même créé une association pour défendre les victimes d’erreurs judiciaires, Action Justice.
Autre condamnation fâcheuse, celle de Patrick Dils en 1989 pour double homicide et pédophilie, lui ayant valu la réclusion criminelle à perpétuité. Après avoir passé près de 15 ans derrière les verrous où il a subi pressions psychologiques et agression physiques, il est innocenté en 2002 et obtient 1 million d’euros d’indemnité. La demande en révision avait été soumise auprès de la Cour de Révision en 2001, après que la présence du tueur en série Francis Heaulme sur les lieux du crime ait été établie en 1998.
A peine deux ans après la condamnation erronée de Patrick Dils, Rida Daalouche est suspecté et incarné pour le meurtre d’un dealer de drogues dures à Marseille. En 1994, son jugement définitif le condamne à 14 ans d’emprisonnement. Toutefois, sa famille obtient sa libération en février 1997 après avoir fourni un certificat médical prouvant que Rida Daalouche était en cure de désintoxication le jour de la commission du crime. Il est acquitté en 1999, mais sa demande d’indemnisation n’a pas abouti.
Enfin, le coup d’éclat des années 2000 est sans nul doute la tristement célèbre affaire Outreau. Réelle épopée judiciaire et médiatique, des accusations partiellement fallacieuses de pédophilie aboutissent à l’inculpation de 17 personnes dont 10 sont condamnées en juillet 2004. Bien que Myriam Badaoui reconnaisse avoir menti sur la culpabilité de 13 des accusés dès mai 2004, les 6 personnes condamnées à tort sont acquittées seulement lors de leur jugement en appel en décembre 2005. Les 4 personnes dont la culpabilité a été établie ont écopé de peines d’emprisonnement s’échelonnant de 4 à 15 ans. Suite au tollé médiatique qu’a suscité l’affaire d’Outreau, une commission d’enquête parlementaire a été ordonnée et le juge d’instruction Burgaud a été sanctionné par le Conseil supérieur de la magistrature en 2009.
Les scandales judiciaires, bien qu’étant rarement révélés au grand jour, sont bien une réalité du système pénal français. A lui de faire justice aux victimes de ses propres erreurs !