Procès Xynthia : Françoise Babin au cœur de la polémique
Alors que René Marratier, ancien maire de La Faute-sur-Mer, avait monopolisé toutes les attentions depuis l’ouverture du procès le 15 septembre, la journée de mercredi 8 octobre a permis de voir apparaître un nouvel acteur et se focaliser sur son rôle majeur. Car en cumulant les fonctions de présidente de la commission d’urbanisme et de promoteur immobilier, Françoise Babin aurait ignoré à son profit les règles de sécurité les plus élémentaires.
- « Savez-vous Madame Babin ce qu’est un conflit d’intérêt ?»
- « Oui, mais mes conseils me demandent de ne pas répondre».
Cet échange entre Corinne Lepage, avocate des parties civiles, et Françoise Babin, poursuivie pour « homicides involontaires », a eu lieu lors de l’audience du proces Xynthia le 8 octobre. A la barre, l’accusée répond et se défend.
Durant près de 20 ans, Françoise Babin, de par ses fonctions, a été en charge de la délivrance des permis de construire. Première adjointe et présidente de la commission d’urbanisme, elle doit se défendre d’avoir autorisé des constructions sur des zones inondables. L’attribution de ces avis favorables serait, selon ses déclarations, liée à une mauvaise interprétation de la cote de référence, qui interdit pourtant, dans ce type de zone, toute construction de plain-pied. Epaulée par son avocat, Christian Charrière-Bournazel, Françoise Babin, tendue et cassante, préfère pointer des « défaillances » au sein des services de l’Etat, et notamment de la DDE, qui avait validé les permis incriminés.
Urbanisme forcené
Avant la tempête de février 2010, qui a couté la vie à 29 personnes, La-Faute-sur-Mer était une cité balnéaire en pleine expansion. Sous les mandats de René Marratier, la ville a connu une véritable frénésie d’urbanisation, sans qu’aucune communication ne soit faite sur des zones pourtant fortement inondables. Pourquoi, dès lors, avoir autorisé la construction d’habitations sur de telles zones ? Si les raisons de l’ancien maire semblent purement électorales, les motivations de deux prévenus, Françoise Babin et son fils, pourraient être tout autres.
Double casquette
Car en plus de ses fonctions municipales, Françoise Babin était aussi propriétaire de terrains, promoteur et agent immobilier. Fondatrice de l’agence de la Plage, elle est rejointe par son fils Philippe, qui fut aussi président de l’association gérant la digue submergée. Ils réalisent tous deux, dans la décennie qui précède le drame, des ventes de terrains en zone inondable, dont le permis de construction a été dûment validé par le service urbanisme de la municipalité. Selon une estimation, le bénéfice de ces ventes atteindrait la somme de 6 millions d’euros. La question du conflit d’intérêt, qui n’avait pourtant pas été retenue lors de l’instruction, revient donc animer les plaidoiries.
« Système Marratier »
Un quatrième prévenu, Patrick Maslin, entrepreneur immobilier et lui aussi membre de la commission d’urbanisme, décédé durant le procès, complétait ce que des sinistrés ont nommé le « système Marratier ». Intérêts politiques, économiques et personnels semblaient ainsi très étroitement imbriqués. Aujourd’hui âgée de 70 ans, Françoise Balbin se défend d’avoir exercé une quelconque influence à son profit lors des commissions d’urbanisme. Lorsque Pascal Almy, qui préside le tribunal, lui demande si cette situation ne l’a jamais gênée, la prévenue répond par la négative, assurant n’avoir jamais signé de permis la concernant.
L’attente des victimes
Le jugement, qui sera rendu le 12 décembre, est attendu avec anxiété par les familles des victimes. Regroupées dans l’association Avif, défendue par Me Valérie Saintaman, ces dernières espèrent que les prévenus ne pourront se dédouaner de leurs responsabilités. Les souhaits des 120 parties civiles, représentées par Corinne Lepage, vont dans le même sens. Le réquisitoire, prononcé le 15 octobre, se montre très sévère pour les prévenus : Gilbert Lafaye, le procureur de la République, a requis 30 000 euros d’amende et quatre ans de prison dont un avec sursis contre René Marratier. Quant à Françoise Babin, le magistrat réclame une peine de trois ans de prison dont un avec sursis, ainsi que 50 000 euros d’amende.