Le procès Karadzic ne suffit pas à réconcilier la Bosnie
Le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie a récemment rendu un verdict reconnaissant la culpabilité de Radovan Karadzic pour dix des onze chefs d’accusation portés contre lui. Mais cette décision ne suffira pas à apaiser les tensions entre les différentes communautés de Bosnie.
Le 25 mars 2016, le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) basé à La Haye, a rendu un verdict historique. Ce verdict, c’est celui du procès qui accuse l’ancien président des Serbes de Bosnie Radovan Karadzic, 71 ans, des crimes commis durant la guerre de Yougoslavie au début des années 1990. Sur onze chefs d’accusations retenus contre lui, Karadzic a été reconnu coupable de dix d’entre eux. Il a été condamné à une peine de quarante ans d’emprisonnement mais son avocat a annoncé qu’il ferait appel de cette décision.
Le verdict rendu par le TPIY s’inscrit dans le contexte extrêmement complexe du conflit de Bosnie. S’y mêlent de manière incroyablement confuse des enjeux territoriaux, ethniques et politiques. Il s’agit de l’une des plus grosses affaires auxquelles la justice internationale a eu à faire dans son histoire, peut-être même la plus importante depuis le procès de Nuremberg. Mais c’est aussi l’une des affaires les plus polémiques qui tend à rouvrir les plaies nationalistes dans une Bosnie qui n’a pas tout à fait tourné la page.
Dix chefs d’accusation retenus
Sur les onze chefs d’accusation qui pesaient contre lui, Radovan Karadzic n’a été acquitté que sur une accusation de crime de génocide qui concernait sept municipalités de Bosnie. Il n’est pas reconnu « non coupable », mais la Cour n’a pas pu avancer la preuve à l’aide des éléments matériels à sa disposition d’une intention individuelle de génocide.
En revanche, Karadzic a bien été reconnu coupable de crime contre l’humanité, crime de guerre, prise d’otage, meurtres et persécutions. Il a également été reconnu pénalement responsable de l’emblématique génocide de Srebrenica, au cours duquel 8.000 hommes et adolescents bosniaques musulmans avaient été exécutés.
Un verdict un peu tardif
Le verdict condamnant Radovan Karadzic s’est fait attendre, très longtemps. Il arrive environ 20 ans après les évènements de Srebrenica. Certes il s’agissait d’une affaire importante, que le TPIY a pris le temps d’analyser. Mais le procès n’a pu commencer que très tardivement. Il faut dire que l’ancien président des Serbes de Bosnie n’a été arrêté qu’en 2008, à l’issue d’une cavale qui aura duré douze ans. Durant cette période, l’homme très recherché était parvenu à se fondre dans la masse, en changeant d’apparence physique et en se faisant passer pour un spécialiste des médecines alternatives (Radovan Karadzic est psychiatre de formation).
Au-delà des complicités qui ont dû être les siennes en Serbie, certains accusent la CIA d’avoir accordé sa protection au fugitif conformément à un accord secret qu’il aurait passé avec les Etats-Unis contre son retrait de la vie politique. Cet accord lui aurait permis d’échapper aux forces de l’OTAN à la fin de la guerre. L’accord aurait ensuite été annulé par les Etats-Unis qui, ayant placé Radovan Karadzic sur écoute, se seraient aperçus qu’il continuait indirectement à exercer une influence sur son parti, le SDS.
La réconciliation n’est pas au rendez-vous
Même si certaines des mères des victimes de Srebrenica ne sont plus de ce monde et n’auront jamais connu le verdict du TPIY, ce procès était très attendu par les communautés bosniaques (les musulmans de Bosnie). La condamnation à 40 années de prison a été saluée par les autorités bosniaques, mais beaucoup de parents de victimes auraient préféré que soit prononcée la réclusion à perpétuité.
Karadzic, lui, déclarait encore à la veille de l’énoncé du verdict qu’il pensait être acquitté des onze chefs d’accusation qui pesaient sur lui. Il est pourtant resté très calme à l’énoncé du verdict. Son avocat a d’ores et déjà annoncé qu’il ferait appel de la décision.
Mais les rivalités perdurent entre la partie croato-musulmane et la partie serbe de la Bosnie, et le procès Karadzic ne sera pas forcément un facteur de réconciliation, bien au contraire, puisqu’il est encore considéré comme un héros par bon nombre de Serbes de Bosnie, et que son procès est parfois assimilé à un règlement de compte politique.
Un procès qui montre que la justice ne suffit pas toujours à désamorcer les conflits ou atténuer les rancœurs.