L’affaire Le Roux : 38 ans de mystère
L’affaire Le Roux c’est l’histoire judiciaire autour de la disparition mystérieuse en 1977 d’Agnès Le Roux, héritière du Palais de la Méditerranée à Nice. L’affaire Le Roux c’est un feuilleton de près de quarante ans, dans un contexte très spécial avec des protagonistes aux personnalités et aux implications différentes. Avec en arrière-plan, la guerre des casinos qui sévit sur la Côte d’Azur et 3 millions de francs sur un compte en Suisse. De nombreux procès ont eu lieu, des témoignages se contredisent, laissant le mystère toujours irrésolu et le corps de la victime toujours introuvable. Retour sur ce feuilleton judiciaire qui dure depuis 37 ans.
Tout commence à la Toussaint 1977. Agnès Le Roux, riche célibataire niçoise, disparaît. Elle est l’héritière du Palais de la Méditerranée, qui est aussi et surtout un casino. Sa disparition s’inscrit dans un contexte particulier. Tout d’abord, la jeune femme de 29 ans a déjà fait deux tentatives de suicide. Le contexte familial est tendu. En effet, Agnès a voté contre sa mère, cinq mois plus tôt, faisant ainsi perdre à cette dernière la présidence du casino. Enfin, Agnès Le Roux est tombée amoureuse de son avocat, Maurice Agnelet. La jeune femme souhaite construire sa vie avec lui et a besoin d’argent pour cela. Elle souhaite que la famille vende le Palais de la Méditerranée pour récupérer son héritage. En effet, son père, Henri Le Roux, a légué à Agnès et ses frères et sœurs des parts du casino sous la forme d’indivisions. Mais Renée Le Roux ne veut pas vendre. C’est ainsi qu’Agnès va se rapprocher du camp adverse, représenté par le propriétaire du casino concurrent, le Ruhl, Jean-Dominique Fratoni, et vote contre sa mère le 30 juin 1977. Elle récupère grâce à cette action 3 millions de francs versés sur un compte en Suisse.
Sa disparition va être interprétée de différentes manières : certains et Maurice Agnelet en tête avancent la thèse du suicide, d’autres pensent que l’héritière est partie pour vivre sa vie loin de sa famille en Californie ou sur une île loin de tous, certains considèrent que la mafia niçoise se cache derrière cette histoire, d’autres encore imaginent que c’est Renée Le Roux qui est responsable de la disparition de sa fille et enfin pour beaucoup et surtout pour la famille de la disparue le seul coupable reste l’amant, Maurice Agnelet. La police et la justice ont dû creuser ses différentes pistes avec un problème de taille : le corps d’Agnès Le Roux n’a jamais été retrouvé.
Les protagonistes de l’affaire Le Roux : entre vérité et zones d’ombre
L’affaire est complexe parce que les personnages centraux sont troubles, tout comme leurs motivations. Qui est vraiment Agnès Le Roux ? Comment Maurice Agnelet est-il apparu dans le décor ? Pourquoi Renée Le Roux en veut autant à sa fille ? Quel est le rôle de Jean-Dominique Fratoni ?
Agnès Le Roux était décrite comme une jeune femme rebelle, anticonformiste, libre et parfois extrême. Sa mère est une femme de pouvoir, autoritaire, qui doit se battre contre un projet d’envergure imaginé par son concurrent avec l’aide de l’ancien maire de Nice, afin de détruire le Palais de la Méditerranée pour en faire un complexe immobilier.
Elle en veut donc beaucoup à sa fille, lorsque cette dernière vote contre elle lors du conseil d’administration. Les deux femmes se parlent peu et c’est ainsi que la famille attend les fêtes de Noël pour signaler la disparition de la jeune femme. Maurice Agnelet, ancien avocat de la famille, a été approché par le camp Fratoni pour obtenir le vote d’Agnès Le Roux. Il est décrit comme un homme ambitieux, plus connu pour son carnet d’adresses que pour sa réussite professionnelle. Lors de ses différents entretiens avec la police, il niera d’abord être l’amant d’Agnès Le Roux, ainsi que l’existence d’un compte en Suisse.
Il y a aussi Jean-Dominique Fratoni, souvent apparenté à la mafia niçoise, qui souhaite transformer la promenade des Anglais à Nice en « Las Vegas de la Côte d’Azur ». Au fil des années et de l’enquête, d’autres personnages vont faire leur entrée dans le décor. Ainsi, Françoise Lausseure, maîtresse de Maurice Agnelet, apporte tout d’abord un alibi à son amant avant de se rétracter, vingt ans plus tard, en 1999. Enfin, le fils de l’avocat, Guillaume Agnelet, annonce en 2014 que ses parents lui auraient confié le meurtre d’Agnès Le Roux.
Le feuilleton judiciaire de 1978 à 2015
Des années d’enquête et de procédures vont donc se poursuivre afin d’apporter de la lumière à toutes ces zones d’ombre. En 1978, Maurice Agnelet est placé en garde à vue dans le cadre d’une procédure pour « séquestration arbitraire ». Il est notamment entendu parce que, rapidement après la disparition d’Agnès Le Roux, il a déplacé de l’argent du compte en Suisse de la jeune femme sur le sien. Mais il ne dit rien, n’avoue rien.
L’année suivante, sa maîtresse déclare qu’il était avec elle lors de ce fameux week-end de la Toussaint 1977. C’est un formidable alibi mais l’enquête continue. Ainsi, les policiers retrouvent au domicile de l’avocat la photocopie de la lettre d’adieu d’Agnès Le Roux mais datée du 6 octobre, date de la seconde tentative de suicide d’Agnès. On découvre également des annotations surprenantes dans des livres de la bibliothèque de Maurice Agnelet, annotations qui datent de 1977 avec des mots comme « liberté » ou « sécurité ». En 1983, ce dernier est inculpé pour « homicide volontaire ». Mais faute de preuves matérielles et grâce au témoignage de Françoise Lausseure, lors du procès de 1985, Maurice Agnelet bénéficie d’un non-lieu.
L’affaire est close. Les policiers en charge du dossier partent à la retraite, Maurice Agnelet s’installe au Canada puis à Panama mais Renée Le Roux décide d’embaucher un détective pour continuer l’enquête. Elle va donc porter plainte contre Françoise Lausseure pour « recel de cadavre ». Enquêter contre l’ex-maîtresse de l’avocat c’est mettre en doute son alibi. Et en juin 1999, c’est le coup de théâtre ! Françoise Lausseure fait une nouvelle déclaration : c’est Maurice Agnelet qui lui aurait demandé de mentir en 1979.
L’avocat est mis en examen en 2000. Le procès s’ouvre en 2006 aux assises des Alpes-Maritimes et Maurice Agnelet est acquitté. Mais à la suite de l’appel du ministère public, un nouveau procès a lieu l’année suivante et l’accusé est condamné à vingt ans de réclusion criminelle. Mais l’avocat continue la bataille judiciaire et demande un pourvoi en cassation, qui lui sera refusé. En 2013 par contre, la Cour européenne des droits de l’homme condamne la France et demande un nouveau procès. Il a lieu l’année suivante au tribunal de Rennes.
Nouveau rebondissement avec la déclaration du fils de Maurice Agnelet, selon laquelle Agnès Le Roux aurait été tuée avec une arme à feu par son ancien amant, et son corps dissimulé en Italie. Le jugement de 2007 est confirmé et la peine de vingt ans à l’encontre de Maurice Agnelet réaffirmée en avril 2014. L’année suivante, la demande de ce dernier d’un pourvoi en cassation a été rejetée. Le feuilleton n’est pas terminé puisque l’avocat a l’intention d’obtenir par tous les moyens sa liberté conditionnelle.
Mais quoi qu’il en soit, quoi qu’il advienne à Maurice Agnelet, aujourd’hui âgé de 77 ans, le mystère sur la disparition d’Agnès Le Roux reste entier. Où se trouve son corps ? Comment a-t-elle disparu ? Autant de questions qui restent sans réponse malgré les 37 ans d’enquête.