L’affaire Flactif, un crime sordide motivé par la jalousie
L’affaire Flactif, aussi connue sous le nom de Tuerie du Grand-Bornand est un fait divers sordide survenu en Haute-Savoie en 2003. L’enquête, qui a accaparé l’espace médiatique et judiciaire pendant de longs mois, sera aussi longue que douloureuse pour la famille des victimes, le suspect changeant à plusieurs reprises sa version des faits. Une affaire macabre qui rappelle les évènements plus récents de la tuerie de Chevaline[1] en 2012, toujours inexpliquée, mais dont les faits ont beaucoup en commun avec la tuerie du Grand-Bornand.
Haut lieu de villégiature pendant la saison des sports d’hiver, la Haute-Savoie a été le théâtre de 2 faits divers sordides qui ont entaché son image de carte postale. En 2003, Xavier Flactif, un promoteur immobilier, sa femme, et leurs 3 enfants, sont massacrés dans leur chalet du Grand-Bornand, leurs corps étant ensuite déplacés en forêt, afin de dissimuler toute trace du meurtre. La famille est portée disparue pendant quelques semaines, avant que la presse n’étale au grand jour l’horrible crime.
Une disparition inquiétante et inexpliquée
Mi-avril 2003, dans la paisible station de ski Le Grand-Bornand, un proche de la famille Flactif se présente au chalet luxueux du promoteur, et découvre avec stupeur que la demeure, généralement pleine de vie, est vide. Le véhicule familial, un gros 4×4 Toyota rouge, n’est pas, comme à l’accoutumée, garé devant le chalet. Aucun désordre apparent à l’intérieur, seule une casserole renferme encore des restes de nourriture. Les couettes de lits des enfants ont également disparu. Inquiété de cette absence inexpliquée, le neveu prévient le commissariat local.
Le 22 avril 2003, une information judiciaire est officiellement ouverte pour disparition inquiétante. Le chalet de la famille est alors passé au peigne fin par les services de police, sans permettre d’établir s’il s’agit d’une affaire criminelle ou d’une fuite. Cette dernière hypothèse circule rapidement dans le village : les Flactif auraient fui à l’étranger avec d’importants capitaux liés à leurs nombreux revenus locatifs. Guère apprécié dans la région, le promoteur immobilier avait été mêlé par le passé à plusieurs affaires de fraude, et il s’était endetté auprès de certains partenaires de chantier qui lui construisaient de nouveaux chalets.
Des suspects envahissants et médiatiques
Un couple de locataires attire rapidement l’attention des gendarmes. Originaire du nord de la France, ils habitent un vaste chalet adjacent à celui du promoteur disparu, dont ils prétendent disposer du bail. Leur installation dans le luxueux chalet, à peine deux semaines après la disparition des Flactif, parait suspecte. David Hotyat, un ancien casque bleu en poste à Sarajevo, rôde fréquemment près de la zone balisée par la police, alors que sa femme Alexandra Lefebvre, qui a travaillé comme femme de ménage chez les Flactif, ne rate jamais une occasion de les incriminer en public, et même à l’antenne de TF1[2].
Le 10 mai, le véhicule de la famille est retrouvé à proximité de l’aéroport de Genève. Des traces de sang appartenant aux membres de la famille y sont relevées par la police scientifique. L’examen approfondi à l’aide de produits chimiques de l’intérieur du chalet des Flactif, permet de découvrir d’autres traces de sang, dont l’A.D.N. comprend tous les membres de la famille, mais aussi des traces d’A.D.N. d’un inconnu. Des débris de dents et une douille de pistolet sont également découverts dans le chalet. Désormais persuadés de la piste criminelle, les enquêteurs soumettent une centaine d’habitants du Grand-Bornand à des tests.
Un mobile, des complices
L’A.D.N. inconnu découvert chez les Flactif correspond à celui de David Hotyat. L’intéressé, qui avait refusé dans un premier temps de se soumettre aux tests est arrêté sur le champ et inculpé d’assassinat. Il déclare avoir agi seul, à l‘issue d’une violente dispute avec Xavier Flactif, et conduit les enquêteurs en forêt de Thônes, où les corps des victimes ont été brûlés. La reconstitution est formelle : impossible pour un homme seul de nettoyer le lieu du crime et déplacer 5 corps sans assistance. Alexandra Lefebvre et les Haremza, un couple d’amis qui les avaient rejoints au Grand-Bornand, sont également écroués.
Vouant une haine féroce au riche promoteur, la bande avait planifié une première expédition punitive deux jours avant le meurtre. Hotyat fourni des cordes à Stéphane Haremza dans l’idée d’étrangler les enfants, mais les 2 font demi-tour in extrémis avant de passer à l’acte. Stéphane Haremza, qui a conduit le 4×4 jusqu’à Genève, avoue également avoir aidé Hotyat à faire disparaitre les corps. Alexandra Lefebvre, jalouse de la famille Flactif, avoue avoir aidé le meurtrier à nettoyer le sang sur le lieu du crime. Elle et son mari ont même rédigé sur place un faux contrat de location afin de s’emparer d’un des chalets[3].
Une jalousie qui a tourné au règlement de compte
Coup de tonnerre lors de l’ouverture du procès en 2004 : David Hotyat revient sur ses aveux, et accuse 2 mystérieux tueurs qui l’auraient contraint à se débarrasser des corps. Lors de la reconstitution, il joue d’abord le jeu, avant de se rétracter, conseillé par son avocat. L’homme oppose un mutisme total aux familles des victimes, mais sa version ne convainc pas les jurés. Il demeure fermé à toute question, et ne concède que de maigres indices aux psychiatres qui tentent de comprendre ce déchainement soudain de violence.
Lors du procès d’Annecy en 2006, alors que ses complices s’effondrent devant l’assemblée, le meurtrier reste de marbre, insensible aux appels de ses complices de confesser son crime. Stéphane Haremza et de sa femme, seront condamnés respectivement à 10 et 7 ans de réclusion. David Hotyat est condamné à la prison à perpétuité, et sa femme Alexandra Lefebvre écopera de 10 ans ferme.
[1] La tuerie de Chevaline est un quadruple assassinat qui s’est déroulé dans des circonstances mystérieuses le 5 septembre 2012 sur un parking de la commune de Chevaline en Haute-Savoie.
[2] Avec un aplomb glacial, le couple fanfaronne à l’antenne, déclarant que Xavier Flactif est un escroc, sans doute rattrapé par la mafia.
[3] Quelques jours après le meurtre, les Hotyat reviennent sur place pour voler du matériel : DVD, ordinateur, appareil photo, téléphones mobiles chez leurs victimes. Le couple rédige aussi un faux contrat de location afin de s’emparer d’un des chalets.