L’affaire Dumetz: le drame qui a changé notre police
Le matin du dimanche 13 octobre 1996, à Compiègne, le corps d’Angélique Dumetz est retrouvé au fond d’un fossé par un cycliste. Elle a été égorgée et probablement violée. La veille, la jeune fille fêtait en boîte de nuit son 19e anniversaire, en compagnie de ses amis. Retour sur ce meurtre qui a conduit à la création du fichier national des empreintes génétique.
Très vite, le sperme de l’agresseur est prélevé sur la victime, et l’ADN permet d’établir son groupe sanguin: B+. Un groupe très rare, qui concerne uniquement 10 % de la population. Seulement, il n’existe à l’époque aucun fichier d’empreintes génétiques. Faute de suspect sérieux, l’enquête piétine. Ainsi commence un combat de quinze ans pour Marie-Pierre Mazier, la mère d’Angélique. Un combat qui changera à jamais le système d’investigation policière français.
Un ange est passé, mais le deuil perdure
Hantée par l’éventualité que l’assassin de sa fille ne soit jamais retrouvé, Marie-Pierre Mazier veut changer les choses. Alors que les États-Unis et surtout l’Angleterre, encouragé par le Conseil de l’Europe, disposent déjà d’un fichier national de comparateur d’empreintes génétiques, maître Murielle Bellier, l’avocate de Marie-Pierre Mazier, l’explique: « la France est en retard ». Cruellement en retard car avec de tels outils à sa disposition, les chances de retrouver l’assassin augmenteraient exponentiellement. La réponse de la maman d’Angélique est immédiate: «Il faut qu’on se batte pour qu’il existe».
En 1998, elle fonde son association « Angélique, un ange est passé » avec pour but avoué de combler cette lacune de notre système judiciaire. Entre interviews, manifestations, rencontres avec des spécialistes judiciaires et politiques, la voix de Marie-Pierre prend de l’ampleur, et se fait entendre auprès du grand public.
En juin 1998, un député de l’Oise, Lucien Degauchy, affirme son soutien à l’association pendant une séance de l’Assemblée nationale. L’année suivante, le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) est créé malgré les réticences de certains politiciens. «On nous renvoyait à Pétain, on s’en prenait à la liberté» se souvient Me Bellier. Originellement, le FNAEG ne concernait que les délinquants sexuels déjà condamnés. En 2001, il sera utilisé pour tous les criminels et, deux ans plus tard, étendu à de nombreux autres délits.
La ré-ouverture des affaires classées
Si c’est déjà une première victoire significative pour l’association, le combat ne s’arrête pas là. Le système judiciaire a déjà été modifié en écho du drame d’Angélique Dumetz, mais le meurtrier court toujours et, dans son sillage, la détermination de Marie-Pierre à retrouver l’assassin de sa fille.
En juin 2005, le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy organise la troisième «journée des victimes » où il rencontre diverses associations dont celle de Marie-Pierre Mazier. Le futur président de la République décide de ré-ouvrir l’enquête et l’affaire Dumetz devient l’une des premières de la nouvelle brigade «Cold Case» (en français: les affaires classées). Pendant six longues années, toutes les pistes sont reprises une à une. Et enfin, en mai 2011, une correspondance ADN est révélée.
En effet sept mois plus tôt à Compiègne, une certaine Alice Martins Léal porte plainte contre son mari, José Mendes Furtado, pour violences conjugales. L’homme est alors convoqué au commissariat de Compiègne et se soumet à l’exercice des relevés d’empreintes digitales et …génétiques ! Et stupeur : son ADN correspond avec celui prélevé sur le corps d’Angélique Dumetz presque 15 ans plus tôt. Mais, relâché et fou furieux après les accusations de son épouse, il la retrouve, l’assassine avant de se donner lui-même la mort en mars 2011, deux mois avant que le rapport entre les deux ADN ne soit fait.
Si la famille d’Angélique Dumetz a enfin un nom, une identité sur laquelle diriger son deuil et sa douleur, l’abattement est grand : «Je ne peux m’empêcher de ressentir une immense frustration. Le coupable ne sera jamais jugé», regrette Marie-Pierre Mazier.
Le FNAEG aujourd’hui
Cependant, et c’est une maigre consolation pour les proches d’Angélique Dumetz, la tragédie qui a secoué leur vie ainsi que leur détermination, a fortement renforcé les fondations de notre système judiciaire. Désormais, le fichier national automatisé d’empreintes génétiques est utilisé dans le cadre d’homicides, de violences sexuelles, d’actes de terrorisme, de fabrication d’explosifs ou de fausse monnaie, mais aussi pour des délits de vols ou d’escroqueries. Cette longue liste est néanmoins loin d’être exhaustive, tant les prélèvements ADN sont devenus primordiaux au sein de toute enquête criminelle. Un pilier indispensable érigé sur le drame d’Angélique Dumetz.