L’affaire Agnelet – Le Roux : une saga judiciaire de près de 40 ans
Maurice Agnelet, ancien avocat, 76 ans, a été condamné à 20 ans de réclusion criminelle par la Cour d’assises d’Ile-et-Vilaine le 12 avril dernier pour l’assassinat avec préméditation de sa maitresse Agnès Le Roux. Il n’a jamais cessé de clamer son innocence dans cette affaire judiciaire qui mêle amour, mafia et argent.
Tout commence en 1977 à Nice : Agnès Le Roux, une riche héritière du sud de la France disparaît le 27 octobre 1977. Son corps, tout comme son véhicule, n’ont jamais été retrouvés. Alors que l’hypothèse d’un assassinat par la pègre est évoqué, le mobile présumé le plus sérieux serait le vol de trois millions de francs que détenait Agnès Le Roux dans un contexte de conflit entre associés pour le contrôle et la direction du luxueux hôtel et casino le Palais de la Méditerranée. Maîtresse de Maurice Agnelet, Agnès Le Roux avait déposé ses fonds dans une banque Suisse à leurs deux noms. L’année suivant sa disparition, Maurice Agnelet a déplacé cette somme sur un compte personnel.
Une affaire juridique sans fin
Mais Maurice Agnelet avait un Alibi, une autre maitresse confirmait alors qu’il était avec elle en Suisse au moment de la disparition d’Agnès Le Roux. Il est donc libéré. Il est de nouveau inculpé en 1983, puis relâché en 1984 avant de bénéficier d’un non-lieu en 1985. En 1999, la maitresse qui lui fournissait un alibi se rétracte, il est pourtant acquitté en 2007 par les assises d’Aix-en-Provence, toujours pour absence de preuve suffisante. En appel, il écope de 20 ans de réclusion criminelle. Mais en 2013, la Cour européenne des droits de l’Homme condamne la France pour le verdict rendu à Aix-en-Provence. Pour elle, en ne motivant pas de façon claire et intelligible sa décision, la Cour d’assises a bafoué les droits de la défense. La Cour de cassation ordonne alors un troisième procès et Jean-Maurice Agnelet est, une fois de plus, libéré.
Nous voilà donc en 2014, avec une nouvelle condamnation de 20 ans réclusion criminelle, résultat d’une délibération de plus de 7 heures et conclusion d’un procès hors norme de quatre longues semaines. Conformément aux réquisitions du Parquet et à sa précédente condamnation, Maurice Agnelet est reconnu coupable d’avoir donné la mort à Agnès Le Roux et d’avoir prémédité son geste. Selon son avocat Me François Saint-Pierre, Maurice Agnelet a bien l’intention de se pourvoir devant la Cour de cassation, qui devra statuer dans un délai de 10 mois. Entre temps, il restera incarcéré.
Un procès houleux
Le procès a pris une tournure d’autant plus théâtrale que le fils de l’accusé, Guillaume, a affirmé, dans les derniers jours du procès et pour a première fois, que ses parents lui avaient confié la culpabilité de Maurice Agnelet. Dans l’émotion et les sanglots l’épouse de Maurice Agnelet, Anne Litas, a fermement contesté les déclarations de son fils. Si cet épisode de la saga Agnelet a provoqué surprise et tension, elle a aussi profondément divisé le clan Agnelet, et a fait vaciller la stratégie du « doute » sur laquelle se fondait la défense. Une défense qui avait pourtant réclamé l’acquittement rappelant que sans preuve matérielle, un mobile ne fait pas le crime.
Pourtant, les indices tendent à désigner Maurice Agnelet et il cristallise toutes les suspicions. Le témoignage du fils, le faux alibi de sa maitresse d’alors, le mot d’adieu d’Agnès Le Roux retrouvé en double dans le cabinet de Maurice Agnelet semblant indiquer un coup monté…. Un tel faisceau d’indice peut-il pallier l’absence de preuve matérielle ? En le condamnant à 20 ans de réclusion criminelle, les jurés ont répondu positivement à cette question. Solution opportune en fait, on peut encore se demander si elle l’est en droit, le doute devant en principe profiter à l’accusé.