Gilles Le Guen : la condamnation d’un marin breton devenu combattant djihadiste
Gilles Le Guen avait rejoint les rangs d’Al Qaïda au Magreb islamique en 2012. Il a été jugé pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » par le tribunal correctionnel de Paris. Portrait de ce marginal devenu combattant djihadiste.
C’est l’ascension d’une radicalisation, celle de Gilles Le Guen, un Breton de 60 ans devenu djihadiste, que le tribunal correctionnel de Paris juge le 15 mai 2015. On retrouve l’homme à la barre, « détruit » selon ses dires, qui explique le cheminement qui l’a poussé à rejoindre les rangs des islamistes au Mali.
De Gilles Le Guen à Oussama Ben Le Guen
Gilles Le Guen est né à Nantes en 1955. Grâce à son poste de capitaine dans la marine marchande, il découvre le Maghreb, où il fait escale de temps en temps. Il est particulièrement touché par la culture musulmane et commence à s’intéresser à l’islam, religion à laquelle il se convertit en 1985. De plus en plus passionné par le désert et la cause touareg, c’est en 2008 qu’il quitte définitivement la France pour s’installer au Maroc, puis en Mauritanie et au Mali en 2011. Il réside à Tombouctou avec sa femme, une marocaine très religieuse, et ses cinq enfants.
Dès lors, il se complait totalement dans la religion musulmane où il trouve ses valeurs, au point d’écrire sous le nom d’Oussama Ben Le Guen, puis de se faire appeler Abdel Jelil en 2010. A l’origine, il dit vouloir vivre de la transhumance dans le Sahara avec sa famille et aspire à une vie simple. Difficile de croire que quelques années seulement le séparent des offensives islamistes auxquelles il participera.
La radicalisation de Gilles Le Guen au fil de ses voyages en Afrique
Tout évolue lorsque Gilles Le Guen réside au Mali. A Tombouctou, il tisse des liens avec des responsables d’Aqmi, Al-Qaïda au Maghreb islamique, qui l’incitent à ne pas rester isolé dans le désert. Cette rencontre est l’élément déclencheur. Rapidement, il rejoint les rangs du groupe terroriste qui a pris le contrôle du nord du Mali et y fait régner la terreur depuis janvier 2012. Le Breton en quête de marginalisation devient militant de l’islam radical.
Il est arrêté dans la nuit du 28 au 29 avril 2013. Il aura fallu plus d’un an pour que Gilles Le Guen soit identifié par les services français dans une vidéo de onze minutes, postée au mois d’octobre 2012 sur le site d’information mauritanien Sahara Media. Vêtu d’une tunique beige et d’un turban noir, à côtés d’une kalachnikov, il apparaît en propagandiste devant le sigle d’Aqmi. Au travers de ses propos anti-occidentaux et anti-israéliens, il apparaît clairement comme un membre du groupe terroriste. Il met en garde « les présidents français, américains » et l’ONU contre une intervention militaire au Mali en préparation contre les groupes islamistes armés qui contrôlaient alors le nord du pays.
L’histoire d’un « paumé qui devient terroriste »
Mais Gilles Le Guen ne fait pas que revendiquer les actions d’Aqmi, il y participe. Il a suivi deux entraînements au maniement des armes légères et lourdes. Il lui est également reproché d’avoir pris part à l’offensive des islamistes sur la ville de Diabali en janvier 2013. Là bas, il se trouvait dans un pick-up chargé d’explosifs, à l’écart. Si le prévenu exclut une « participation active » et tente de minimiser son implication, la procureure estime qu’à ce moment, il a « pris les armes contre l’armée française » engagée dans l’opération Serval et luttant de front contre les groupes islamistes. Pour la représentante du parquet, il s’est comporté comme un « combattant djihadiste », et il doit être jugé comme tel.
Pour le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, c’est l’histoire d’« un paumé qui devient terroriste ». Au cours de l’audience de ce vendredi 15 mai 2015, Gilles Le Guen explique le cheminement de son état d’esprit vis à vis de son enrôlement. Il évoque « un certain enthousiasme » qui s’est emparé de lui au départ, mais avoue avoir « vite fait marche arrière ». Il ajoute avoir rompu toute relation avec Aqmi à partir de janvier 2013. Il estime d’ailleurs s’être investi auprès du groupe terroriste pendant seulement deux mois. Son témoignage est teinté de regrets, estimant que le contact avec Aqmi l’a « détruit complètement » et que « ces terroristes n’ont rien à proposer aux peuples ».
Mais le tribunal correctionnel de Paris décide de suivre les réquisitions du parquet : Gilles Le Guen est jugé coupable d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste et est condamné à 8 ans de prison ferme.
Le cas de Gilles Le Guen est totalement inédit en France. Cette toute première condamnation a été rendue possible grâce à une loi votée fin 2012, qui répond à une nouvelle nécessité : celle de poursuivre des français soupçonnés d’avoir participé à des actes terroristes à l’étranger.