Emile Louis : une vie passée sous le signe de la violence
C’est presque dans l’indifférence générale que l’avocat d’Emile Louis a annoncé le décès du tueur des disparues de l’Yonne le 20 octobre 2013. Pourtant l’affaire avait défrayé la chronique dans les années 2000. Tueur et violeur en série, Emile Louis est l’un des plus dangereux serial-killers qu’ait connu la France. Retour sur une vie passée sous le signe de la violence.
Le 13 décembre 2000, la France se réveille en émois. La police de Draguignan vient de recueillir la déposition d’un ancien chauffeur de bus : Emile Louis. Ce dernier confesse avoir tué et enterré sept jeunes femmes entre 1975 et 1979. La violence des crimes suscite une très vive émotion dans le pays. D’autant que l’incompréhension est grande face à des faits qui remontent à une vingtaine d’années.
Emile Louis se rétracte dans la foulée. Mais dès le 18 décembre, la police retrouve des ossements humains non loin de son ancienne habitation. Plus tard, les enquêteurs découvriront deux autres squelettes. Les autres corps ne seront jamais retrouvés. Le 25 novembre 2004, Emile Louis sera condamné à la réclusion à perpétuité.
Fait notoire, les victimes de celui que l’on appellera le tueur des disparues de l’Yonne, sont toutes des enfants de la DDASS. Emile Louis est lui-même un enfant de cette institution. Abandonné dès sa naissance à Pontigny en 1934, il est très tôt confronté à la violence. Elevé par un maçon, il se retrouve à quinze ans en maison de redressement pour avoir incendié une grange. Il y sera, selon ses dires, abusé sexuellement. A 18 ans, il tente de se faire une nouvelle vie en s’engageant dans la légion étrangère. Il participera à la guerre d’Indochine.
Un cadavre sous un tas de fumier
Toute la vie d’Emile Louis semble marquer par la violence. Violence de l’enfance qui se retourne ensuite contre ses victimes. A l’âge de 20 ans, Emile Louis épouse Chantal Delagneau. Le couple aura quatre enfants. Sa femme le décrira comme une personne à double personnalité. S’il peut se montrer attentionné, il peut aussi manifester une très grande cruauté. L’ainée de ses enfants confessera avoir subi des agresserions sexuelles d’une grande violence.
En 1981, Emile Louis est chauffeur de bus. Il transporte des handicapées dans la région d’Auxerre. Les jeunes filles viennent toutes de la DDASS. Elles accusent des déficiences mentales légères. Emile Louis se montre plutôt « entreprenant » avec ses passagères. Il sera condamné pour attentat à la pudeur.
Cette même année, on découvre non loin de son domicile, à Rouvray, le corps de Sylvaine Lesage 23 ans. Détail sordide, le cadavre de la jeune fille est caché sous un tas de fumier. Disparue un an plus tôt, Sylvaine Lesage avait était recueillie par la nouvelle compagne d’Emile Louis – ce dernier s’était séparé de son épouse en 1979. Le chauffeur de bus est rapidement soupçonné, d’autant qu’il a l’habitude d’aller pêcher non loin de l’endroit où on a découvert la jeune fille. Condamné à quatre ans de prison, il bénéficiera d’un non lieu et sera libéré en 1984.
Condamné pour viol et actes de barbarie
Fin 1984, Emile Louis part s’installer à Draguignan où il trouve un emploi dans une entreprise de pompes funèbres. A la même époque, on confie à Christian Jambert, adjudant de gendarmerie, l’affaire des disparues de l’Yonne. Il s’agit de sept jeunes filles disparues dans le département entre 1977 et 1979. Elles présentent toutes des points communs. Agées 16 à 25 ans, légèrement déficientes mentales et toutes de la DDASS.
Le rapport que remet l’adjudant Jambert est confondant pour Emile Louis. Le chauffeur de car est clairement désigné comme le principal suspect. Pourtant, le procureur de la république de l’époque, René Meyer, classe l’affaire pour manque de preuves.
Pendant ce temps, à Draguignan, Emile Louis poursuit son effrayant périple. En 1989, il est condamné pour des attouchements répétés sur des mineures de 9 à 11 ans. En avril 1992, il se marie avec Chantal Paradis. Après lui avoir administré un calmant, il viole sa femme dans sa propre maison. Celle-ci aura la poitrine entaillée au couteau. Il violera ensuite la fille de cette seconde épouse. Le 26 mars 2004, le tribunal correctionnel de Draguignan, le condamne à 24 ans d’emprisonnement pour viol et actes de barbarie. La peine sera alourdie en appel.
L’étau se resserre
Dans l’Yonne, l’affaire des disparues connait un dénouement dramatique. Le gendarme Jambert est retrouvé mort avec deux balles dans la tête. Déprimé face à l’indifférence que rencontre son enquête, obnubilé par Emile Louis, Christian Jambert aurait fini par attenter à ses jours. L’enquête conclura à un suicide. Des proches du gendarme ne croient pas à cette version. Ils tenteront de relancer l’enquête. Une information judicaire contre X sera ouverte en 2004, elle conclura à un non lieu en 2011.
Cependant le travail de l’adjudant Jambert n’aura pas été vain. L’affaire va être relancée en 1996 par l’association de défense des handicapés de l’Yonne. Une plainte est déposée auprès d’un juge d’instruction. Le parquet de l’Yonne refuse de donner suite au motif que les faits sont prescrits. L’association choisit alors de médiatiser l’affaire. Les disparues de l’Yonne vont connaître un grand retentissement suite à un numéro de l’émission « Perdu de vue » diffusée sur TF1. Faut-il y voir un lien de cause à effet, une enquête interne, ordonné par le ministère de la justice, va aboutir en février 2002 à la réouverture du dossier. Plusieurs magistrats de l’Yonne se verront infliger des sanctions disciplinaires pour négligence.
Dès lors, l’étau se resserre autour d’Emile Louis. Puisque les faits ne sont plus prescrits, la police de Draguignan s’intéresse de prés à cet homme récemment condamné pour attouchements, et clairement désigné par l’enquête de gendarmerie. Après un énième interrogatoire, Emile Louis avoue le crime des sept jeunes filles. Il est placé en garde à vue le 12 décembre 2002. Le 25 novembre 2004, Emile Louis est condamné à la réclusion à perpétuité pour le crime des sept jeunes disparues de l’Yonne. Il s’éteindra le 20 octobre 2013 au terme d’une vie entière passé sous le signe de la violence.