Droit d’expression au travail : que dit la loi ?
Que peut-on dire au sujet de son employeur sans se faire licencier ? La législation française offre un cadre légal qui peut parfois prêter à interprétation mais une certitude se dégage : si l’on peut critiquer sa hiérarchie, cela doit toujours se faire sans propos excessifs, injurieux ou diffamatoires, sous peine de se faire sanctionner lourdement.
La relation entre employé et employeur est relativement complexe et s’inscrit dans un cadre très rigoureux d’une législation française pointilleuse mais qui peut parfois laisser place aux doutes. Notamment sur ce que l’on peut dire ou pas au sujet de son employeur. Les mots utilisés, le contexte et la façon dont ils ont été publiés peuvent ne faire l’objet d’aucune remontrance tout comme motiver une sanction voire un licenciement.
Il y a régulièrement des exemples de relations compliquées qui terminent devant le tribunal. Les médias sont parfois sollicités par des plaignants dans les cas où le licenciement est vécu comme un abus de pouvoir de la part de l’employeur. Dernièrement, c’est le cas d’une directrice d’école du Havre sanctionnée pour avoir critiqué l’action de son ministre, Jean-Michel Blanquer, qui a soulevé une vague de protestation de la part des syndicats et enseignants.
Les publications sur les réseaux sociaux peuvent se retourner contre les employés
La liberté d’expression est cependant, selon la constitution, une liberté fondamentale et elle s’applique aussi bien sur le lieu du travail qu’à l’extérieur. L’employeur peut émettre des restrictions concernant ce droit mais elle doit être justifiée par la nature des tâches à accomplir et ne pas être disproportionnées.
Si elle ne subit aucune limitation particulière, la liberté d’expression est cependant soumise à un cadre légal très précis et peut se transformer en abus dans certains cas. En effet, si la critique est admise et tolérable, l’expression du mécontentement se heurte à certaines limites. Des propos calomnieux, diffamatoires, injurieux ou excessifs peuvent être considérés comme abusifs et justifier une procédure disciplinaire de la part de l’employeur. Ainsi, selon l’arrêt du 27 mars 2013 prononcé par la chambre sociale de la Cour de Cassation, « lorsque les propos tenus ne sont pas de nature injurieuse ou diffamatoire, le droit d’expression du collaborateur ne peut être mis en cause que lorsque des abus sont constatés ».
Si les propos prononcés dans un cadre privé sont exemptés de sanctions, il convient de faire attention aux déclarations publiques et aux réseaux sociaux. Ces derniers peuvent être le théâtre de dénonciations ou de commentaires qui peuvent être lus par l’employeur. Ce dernier peut ensuite s’en servir pour sanctionner son employé et ainsi être conforté par la justice grâce à la preuve irréfutable que peut contenir une publication sur Facebook ou Instagram. L’employé doit aussi formuler ses critiques sans pour autant divulguer des secrets ou informations confidentielles qui pourraient mettre être de nature à mettre à mal l’entreprise.
La justice examine au cas par cas
Il existe de nombreux abus susceptibles de pouvoir justifier un licenciement. Accuser sans justification son supérieur hiérarchique de méthodes malhonnêtes ou de violation de la loi est un exemple, mais aussi qualifier de tricheurs les membres de l’organisation de l’entreprise ou remettre en cause publiquement, sans preuve et avec des propos outranciers, l’actionnaire majoritaire.
A l’inverse, critiquer vivement mais sans dépasser les limites, sa société ou sa gestion sans pour autant utiliser de propos calomnieux, injurieux ou excessifs ne justifie pas le licenciement.
Mais vient alors le souci premier : comment la justice peut établir cette fameuse limite? C’est finalement du cas par cas en fonction de la sensibilité des juges, de l’ancienneté et de la fonction du salarié, de ses antécédents en matière de sanctions dans l’entreprise et aussi du contexte dans lequel il a exprimé ses critiques.
Une hausse du nombre de litiges dans un contexte de plus en plus procédurier
Il paraît clair qu’un salarié ayant une certaine longévité au sein de son entreprise et sans antécédent, pourrait être davantage protégé par la justice en cas de litige. Si la société est en proie à des difficultés et que les employés s’expriment, la justice retiendra cet aspect moral et contextuel de la situation pour favoriser l’employé. De plus, les salariés disposant de mandats de représentation du personnel ont le droit de critiquer l’entreprise car ils ont été élus pour pouvoir exprimer des réserves.
En dépit de la loi, le nombre de contentieux est en nette augmentation ces dernières années. Les difficultés relationnelles entre employés et employeurs sont en recrudescence et les salariés sont de mieux en mieux informés sur leurs droits en matière de critique de l’entreprise. Ils cherchent ainsi plus souvent à se défendre, ce qui donne lieu à une hausse du nombre de litiges dans un contexte de plus en plus procédurier.