D’où viennent les traditions autour de l’avocat ?
Il n’est pas farfelu de considérer les salles de tribunal comme des cathédrales dédiées à la déesse aveugle de la justice. Dans ces temples, les avocats et les juges sont des prêtres ou des acolytes de la justice. Et c’est justement la religion qui est à l’origine de la fameuse robe d’avocat. Retour sur l’origine des vêtements et symboles qui portent nos avocats.
L’habit qui fait le moine
La tradition remonte au Moyen-Age. À l’époque, la plupart des avocats étaient également des religieux. Ainsi, il était certain que la défense soit assurée par des hommes lettrés, connaisseurs de la loi et de la morale. De fait, l’origine de la robe d’avocat se confond avec la soutane. Cette toge comportait également 33 boutons symbolisant l’âge du Christ à sa mort.
Alors que la mode au Moyen-Âge était généralement de raccourcir les vêtements, certaines exceptions apparaissent. Le roi, mais aussi les magistrats et les hommes de loi favorisaient ainsi les vêtements amples et longs pour se différencier.
C’est pour cette raison que les robes d’avocat ou de juge disposent d’une traîne. L’idée était de symboliser la puissance qui leur était investie. Mais c’était aussi un moyen de signifier la dignité de leur fonction. La traîne se déployait lors de leurs apparitions publiques et, pour éviter de trébucher dessus, ceux qui suivaient l’homme de loi devaient rester à bonne distance. Ainsi, par un simple «choix de mode», on singularisait et sacralisait la profession.
Les avocats ont vite choisi de replier la traîne vers l’intérieur. De cette manière, ils conservaient leur dignité mais montraient également qu’ils n’avaient pas le pouvoir de rendre la justice, qu’ils n’étaient que des auxiliaires soumis à celle-ci.
La tenue change, les symboles perdurent
Depuis le Moyen-Âge, la fonction d’avocat s’est évidemment laïcisée. Cependant, la notion de sacralisation demeure ainsi que la robe d’avocat puisqu’il convient toujours d’établir une différenciation entre l’homme de loi et le reste de la population. De nos jours, la traîne est toujours présente dans les robes d’avocats mais la tradition a évolué. Désormais, la coutume est de la déployer lors de l’enterrement d’un confrère pour signifier aussi bien le deuil que l’unité du corps de métier.
Et la traîne n’est pas le seul accessoire nécessaire aux tenues des avocats, juges et autres magistrats. Ajouts qui peuvent aussi parfois prendre racines dans d’anciennes traditions ou superstitions. Par exemple, l’épitoge. À l’origine, les avocats du Moyen-Âge portaient une capuche ornée de fourrure appelée chaperon. Elle a depuis été modifiée et intégrée à l’habit de l’avocat pour devenir l’épitoge, une bande de tissu herminée portée sur l’épaule gauche, au-dessus la toge. D’où son nom.
Les universitaires en portent également et elle est de couleur différente pour chaque discipline dont ils relèvent: jaune pour les lettres et la philosophie, violette pour la théologie… Sont ensuite ajoutés un ou plusieurs rangs d’hermine pour signifier le grade universitaire.
L’exception parisienne
Pour les avocats du barreau de Paris, en revanche, l’épitoge est toujours noire et dépourvue d’hermine. Cette distinction viendrait à priori d’une tradition dite du «deuil de Malesherbes». Chrétien-Guillaume de Lamoignon de Malesherbes était le principal avocat de Louis XVI lors de son procès. Reconnu coupable de trahison et de conspiration contre l’État, Louis XVI, sous le nom de Louis Capet, fut guillotiné et fut suivi de… Malesherbes!
En effet, pour avoir défendu son client, l’avocat fut également considéré comme un conspirateur et exécuté. En signe de deuil, on dit que les avocats de Paris portent désormais leur épitoge «décapitée d’hermine». Cette épitoge particulière est nommée «la veuve».
Cependant, cette tradition, ou superstition, n’est pas confirmée. Une explication plus probable mais se situant à la même période, est avancée. Alors que les avocats étaient encore un ordre d’ecclésiastiques, l’épitoge était pourvue d’hermine uniquement lors des audiences solennelles, soit en présence du roi. Pour les audiences dites ordinaires, les avocats parisiens portaient leur épitoge sans hermine. De fait, après la mort du dernier roi Capet, le port de l’hermine n’avait plus aucun sens et fût donc abandonnée.
Les autres accessoires
D’autres ornements viennent parfois enrichir la tenue de l’avocat. Pour plus de solennité, il n’est pas rare que les avocats se munissent d’un nœud papillon blanc, souvent lors de la prestation du serment. Certains avocats portent également, sur leurs robes, différentes médailles. La Légion d’honneur, l’Ordre du Mérite… ce ne sont pas les exemples qui manquent.
Si ces décorations supplémentaires n’ont à priori pas d’autre raison que de signifier la fierté d’avoir reçu une telle distinction, ainsi qu’éventuellement impressionner un jury, on peut cependant noter que cette coutume remonte à un peu plus d’un siècle. Les premiers avocats à les porter par-dessus leurs robes traditionnelles étaient effectivement des vétérans de la guerre de 1914, décorés à titre militaire.
Aujourd’hui, le port de ces différentes décorations provoque de nombreux débats, aussi bien pour les avocats que les magistrats. Ont-elles moins leur place au sein des tribunaux que des symboles originellement religieux ou affiliés à l’ancienne royauté?
Si l’on considère, encore une fois, un tribunal comme un temple dédiée à la vertu et la puissance de la justice, il n’est guère étonnant que certains principes restent figés alors que d’autres, plus anciens, évoluent sans que l’on sache forcément à quoi ils renvoient originellement.