Le dossier Mediator : un échec pour la justice ?
Le laboratoire Servier a annoncé qu’il allait continuer d’assumer ses responsabilités et qu’il allait indemniser tous les patients victimes du Mediator.
Jacques Servier, fondateur du laboratoire Servier, est décédé le 16 avril 2014, ce qui a entraîné l’extinction de l’action publique à son encontre. Il avait été mis en examen à plusieurs reprises, entre autres pour « homicides et blessures involontaires », « tromperie » et « escroquerie ». Suite au décès de Jacques Servier, Olivier Laureau a repris les rênes du groupe. Le nouveau dirigeant a tenu à rassurer les victimes, affirmant que les procédures de l’Oniam (Office national d’indemnisation des accidents médicaux) et les procédures civiles se poursuivaient, et que le laboratoire Servier indemniserait toutes les victimes du Mediator. Olivier Laureau a toutefois indiqué que le groupe entendait faire la lumière sur certains éléments restés en retrait du dossier.
Le Mediator
Ce médicament était initialement un antidiabétique, mais a ensuite été prescrit comme coupe-faim. Quelque cinq millions de personnes auraient utilisé le Mediator en France. Le médicament aurait causé des lésions majeures des valves cardiaques, et d’après une expertise judiciaire, serait responsable de 2100 décès. Le Mediator a été commercialisé en 1976 et prescrit entre 1976 et 2009. Jusqu’à son retrait en 2009, 145 millions de boîtes de Mediator ont été vendues.
Interdiction du Mediator en France
Dans les années 90, les premières alertes s’agissant du benfluorex, principal composant du Mediator, sont lancées. Le benfluorex est interdit dans les préparations pharmaceutiques à partir de 1995, mais le Mediator continue d’être commercialisé en France, alors qu’il est tour à tour retiré du marché par Servier en Suisse (en 1998), en Espagne (en 2003) et en Italie (en 2004), et ce, pour des raisons commerciales, selon le groupe. En France, ce n’est qu’en 2007 que l’Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) a publié une recommandation de ne pas prescrire le Mediator comme coupe-faim. Début 2007, une pneumologue de Brest, Irène Frachon, a alerté l’Afssaps quant aux risques de pathologies cardiaques liés à la prise de ce médicament. Le 30 novembre 2009, le Mediator a été retiré de la vente. En octobre 2010, la CNAM (Caisse nationale d’assurance maladie) a publié un rapport concluant que, sur le million de diabétiques ayant fait l’objet d’une étude médicale, le nombre de valvulopathies constatées chez les patients soignés avec le Mediator a été multiplié par quatre.
Victimes du Mediator
La pneumologue brestoise Irène Frachon, à l’origine de la révélation de ce scandale sanitaire, a estimé que le Mediator a fait 2 000 victimes qui auraient pu être épargnées, outre les 500 à 2 000 décès estimés qui auraient été constatés pendant les années où le Mediator a été commercialisé. Quant à l’Afssaps, elle a estimé à 500 le nombre de patients décédés suite à une consommation du médicament, et à 3 500 le nombre de patients hospitalisés à cause du Mediator. En avril 2013, des experts judiciaires ont estimé que le Mediator pourrait avoir causé entre 1 300 et 1 800 morts par valvulopathie en France. En réalité, il semble quasi impossible de dresser le bilan exact.
«Un échec pour la justice »
Dans le cadre de l’affaire du dossier Mediator, deux informations judiciaires ont été ouvertes devant le parquet de Paris et sont encore en cours. La première information judiciaire concerne les faits de tromperie, d’escroquerie et de trafic d’influence. La seconde porte sur les faits d’homicides et blessures involontaires, et les magistrats enquêtent sur un éventuel lien de cause à effet entre la prise du Mediator et les pathologies relevées chez les plaignants.
Un premier procès devrait s’ouvrir durant le premier semestre 2015 s’agissant du volet principal de l’affaire. En revanche, le second procès risque de ne pas se tenir avant plusieurs années.
Le décès de Jacques Servier, à l’origine de ce scandale sanitaire, représente un « échec pour la justice », selon les victimes, qui honnissent tout particulièrement Servier.
7 734 demandes Indemnisations
Selon le bilan fourni en janvier 2014 par l’Oniam (Office national d’indemnisation des accidents médicaux), 7 734 demandes d’indemnisation ont été présentées. 1 784 dossiers ont été examinés ; 836 avis ont été rendus, dont 64 avis positifs, Un nombre insuffisant, selon la pneumologue Irène Frachon.
L’Afssaps, largement décriée pour son dysfonctionnement dans le dossier Mediator, a été transformée en ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) et s’est vue dotée de pouvoirs accrus. Le siège de la DGS (Direction générale de la santé), à Paris, a été perquisitionné en octobre 2012. L’ANSM a été mise en examen en mars 2013 pour « homicides et blessures involontaires » et est soupçonnée de ne pas avoir tenu compte des alertes lancées quant à la dangerosité du Mediator entre 1995 et 2009. D’anciens politiques sont également sur la sellette, en particulier des ministres de la Santé, qui ont ignoré les premières mises en garde concernant le médicament.
Le dossier Mediator fera encore couler beaucoup d’encre et la procédure judiciaire sera longue. En attendant, la santé de certains patients continue de décliner.