Affaire Dominique Cottrez : qui sont les monstres ?
Condamnée en 2015 à neuf ans de prison pour huit infanticides, Dominique Cottrez est sortie de prison le 3 juillet 2018 pour son bon comportement en détention. Cette remise en liberté conditionnelle doit toutefois s’accompagner de soins psychologiques et psychiatriques. Retour sur une affaire qui a défrayé la chronique et alimenté les débats sur la culpabilité et responsabilités de son mari et du père.
2 juillet 2015 : Dominique Cottrez, une ancienne aide-soignante et maman de 51 ans vient d’être reconnue coupable de huit néonaticides commis entre 1989 et 2000. « Elle était persuadée qu’elle allait enfanter des monstres […] qui n’avaient aucune entité […] car ils étaient le fruit d’un inceste interdit […] qu’elle avait subi de la part de son père », a confié Maître Frank Berton à la presse ce 3 juillet 2018 alors que sa cliente, Dominique Cottrez, était remise en liberté. « Elle ne cherche pas à minimiser ces faits, mais à les expliquer », a-t-il ajouté.
Le drame est révélé en 2010 quand les acquéreurs de l’ancienne maison de Dominique Cottrez située à Villiers-au-Tertre, à une heure de Lille, trouvent deux cadavres dans le jardin. Trois jours après cette macabre découverte, Dominique Cottrez reconnaît être la mère de ces deux enfants et avoue la présence de six autres corps dans son garage. Au total, elle admet avoir caché, en l’espace de dix ans, huit grossesses, accouché seule et avoir tué les nourrissons.
A la surprise générale, son mari et ses deux filles, alors âgées de 21 et 22 ans, affirment n’être au courant de rien. En 2010, quand leur mère avoue cette affaire, ces dernières confient à la presse locale qu’elles n’avaient jamais rien remarqué. Pour sa part, le mari avoue qu’il savait que sa femme n’avait pas de moyen de contraception mais il confiera aux enquêteurs qu’il ne se souciait pas des cadavres présents dans la chambre nuptiale. « Affaires de femmes » selon lui. Il avouera par la suite qu’il forçait Dominique Cottrez à avoir des relations sexuelles deux à trois fois par semaine.
Durant l’enquête, cette dernière explique son geste par la crainte que ces enfants soient le fruit d’un inceste qu’elle a subi de la part de son père. Les viols auraient commencé quand elle avait 15 ou 16 ans et auraient duré jusqu’en 1993, alors que son père avait 70 ans. Elle confiera d’ailleurs plus tard au tribunal que son père était au courant de ses grossesses mais qu’il faisait « comme s’il ne savait rien ».
Dominique Cottrez ou la haine du monde médical
Pour l’avocat de Dominique Cottrez, maître Frank Berton, les crimes commis par sa cliente s’expliquent par une multitude de facteurs. Si l’inceste en est un, sa haine du monde médical depuis son premier accouchement en est un autre. Selon lui, Dominique Cottrez aurait subi une humiliation due à son obésité infligée par une sage-femme lors de la naissance de sa première fille, Emeline, en 1987.
Obèse depuis son enfance, elle a 24 ans lors de son premier accouchement. La sage-femme lui lance des insultes telles que « gros boudin » et lui commande de ne pas revenir accoucher ici si elle n’a pas perdu au moins une trentaine de kilos la prochaine fois. Face à ce mépris et à l’aversion qu’elle suscite au sein du corps médical, Dominique Cottrez sort traumatisée de cette épreuve et développe une phobie du monde médical. Elle accouchera seule de ses huit enfants entre 1989 et 2000, terrorisée à l’idée de revoir une sage-femme.
Un procès à rebondissements
L’affaire Cottrez fait la Une des journaux. Elle est traitée par la cour d’assises de Douai durant l’été 2015 et c’est seule que Dominique Cottrez y comparaît. Le 29 juin 2015, un premier rebondissement survient avec un aveu surprenant de la part de l’accusée, qui revient sur sa version des faits : son père ne l’a jamais violée ni touchée. Un psychiatre alors entendu comme témoin affirme toutefois que cela pourrait être le résultat d’un traumatisme. Victime de viol, Dominique Cottrez pourrait souffrir d’un traumatisme tel qu’il expliquerait ses passages à l’acte. Le psychiatre va jusqu’à évoquer la possibilité d’un « délire intérieur », synonyme d’irresponsabilité pénale dans le monde judiciaire. Cette hypothèse avait été écartée jusque-là.
Deuxième rebondissement : malgré les circonstances atténuantes rabattues dans la presse, le parquet requiert finalement 18 ans de réclusion criminelle. Après délibération et en tenant compte de l’altération du jugement de l’accusée, cette dernière sera condamnée à neuf ans de prison. Aucune charge ne sera retenue contre son mari.
« Au-delà du fait divers »
Au printemps 2018, c’est avec ce sous-titre que sort le livre de la journaliste Ondine Millot. Intitulé « Les monstres n’existent pas », il renferme les témoignages de Dominique Cottrez lors de ses visites en prison ainsi que ceux de ses proches et de sa famille. Au travers de ce livre, cette chroniqueuse judiciaire plonge le lecteur au cœur de l’histoire d’une manière romanesque. Tout en faisant part au lecteur de sa consternation et de ses interrogations, elle pose également la question centrale de cette affaire hors norme qui veut que la société française considère que le contrôle des naissances repose encore exclusivement sur les femmes. Dominique Cottrez en a payé le prix fort malgré de solides soupçons sur la responsabilité de son père et de son mari.