Affaire Bygmalion : Jean-François Copé entendu, retour sur le scandale qui mine l’UMP
Jean-François Copé, l’ancien président de l’UMP, a été entendu le 28 juillet 2015 dans la tristement célèbre affaire Bygmalion, scandale de factures fictives qui auraient masqué des dépenses faramineuses lors de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2012. Retour sur l’affaire et ses derniers rebondissements.
L’affaire Bygmalion : enrichissement personnel ou financement illégal de campagne électorale ?
Bygmalion : une entreprise de communication qui a connu une expansion sans précédent alors que les comptes de l’UMP étaient dans le rouge. Une affaire de facturations frauduleuses, pour un modeste montant de 18,5 millions d’euros. Un financement occulte de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. Des grands noms de l’UMP visés un à un. Que s’est-il réellement passé ? Petit rappel des faits.
L’épopée médiatique qui éclabousse nombre d’hommes clés de l’UMP commence en 2008, lorsque deux proches de Jean-François Copé, alors président du groupe UMP à l’Assemblé nationale, créent une société de communication dénommée Bygmalion. La société fondée par Bastien Millot et Guy Alves se serait grassement enrichie lors de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. Le scandale éclate en février 2014 lorsqu’il est révélé que la filiale évènementielle Event & Cie de la société de communication aurait gagné huit millions d’euros en organisant les meetings de la campagne. Une révélation qui fait grincer des dents, au moment où les caisses de l’UMP étaient vides – le déficit s’élevait à non moins de 96 millions d’euros.
Nouveau rebondissement dans la saga Bygmalion en mai 2014 : les 18 millions d’euros versés par l’UMP à Bygmalion pour l’organisation d’environ 80 colloques, meetings et événement liés à la campagne du candidat du parti en 2012 reposeraient sur des fausses factures. Le nom du député UMP Pierre Lellouche apparaitrait sur certaines de ces factures, alors qu’il se défend de ne jamais en avoir eu connaissance. Le 26 mai 2014, le député partisan de Fillon lors des primaires à l’UMP a porté plainte pour usurpation d’identité, escroquerie et abus de biens sociaux. Le même jour, l’avocat de Bygmalion reconnaît que la société a émis des fausses factures à la demande de l’UMP pour un montant de presque 10 millions d’euros. Un premier électrochoc.
Une deuxième secousse de taille intervient quelques heures plus tard lorsque Jérôme Lavrilleux, ancien directeur adjoint de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2012 et directeur du cabinet de Copé, confirme ces suspicions sur BFMTV. Il a en effet reconnu que 11 millions d’euros de dépenses pour la campagne présidentielle avaient été à tort absorbées par l’UMP, « un dérapage ». Autrement dit une falsification des comptes du parti pour masquer les frais démentiels de la campagne. Pris dans « un engrenage irrésistible », il a toutefois nié que Jean-François Copé ou Nicolas Sarkozy aient eu vent du dépassement du plafond autorisé pour la campagne.
La bombe Bygmalion a ainsi explosé. Deux hypothèses se dessinent. Le journal Libération, qui a eu accès aux factures d’Event & Cie a d’abord pointé du doigt une surfacturation de 25 à 28% des prestations de communication, qui aurait permis aux deux proches de Copé de s’engraisser aux dépends du parti de leur fidèle ami. Ou bien s’agirait-il d’un moyen déguisé d’augmenter les dépenses pour la campagne de Sarkozy, sans que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ne puisse s’en rendre compte ? Une accusation troublante, alors que les dépenses autorisées pour toute campagne électorale sont plafonnées à hauteur de 22,5 millions d’euros – et 18,5 millions d’euros auraient été ainsi masqués grâce à Bygmalion.
Un pavé dans la marre pour les grandes personnalités de l’UMP. Et en 2015, les têtes commencent à tomber.
Les derniers rebondissements : les grands noms de l’UMP visés
La première personne visée : Jérôme Lavrilleux, personnage clé dans l’affaire. Le 15 juin 2015, il a été mis en examen dans le cadre de l’enquête pour usage de faux, recel d’abus de confiance, complicité d’escroquerie et financement illégal de campagne électorale, après que son immunité parlementaire en tant que député européen ait été levée le 19 mai. Il a tenté de minimiser son rôle dans l’affaire de facturations fictives, se cantonnant à une position de superviseur des dépenses électorales. Des propos non corroborés par Guillaume Lambert, ancien directeur de la campagne de Nicolas Sarkozy et donc supérieur direct de Lavrilleux, qui a affirmé que le directeur adjoint aurait insisté pour choisir Bygmalion comme prestataire pour les services de communication.
Le 6 juillet 2015, c’est au tour de Pierre Godet et Marc Leblanc, les deux experts comptables de la campagne présidentielle 2012 de l’UMP, d’être mis en examen pour les mêmes motifs que Lavrilleux. Pierre Godet aurait prévenu dès le 7 mars 2012 que les dépenses pourraient atteindre les 23,1 millions d’euros dépassant ainsi le plafond légal, alors qu’il restait encore six semaines de campagne avant le premier tour. Les deux experts comptables comptent parmi les 13 personnes désormais mises en examen dans l’affaire Bygmalion, en côté de quatre dirigeants de la société, d’anciens cadres de l’UMP et responsables de la campagne présidentielle.
Le 28 juillet 2014, Jean-François Copé a été entendu en audition libre dans une affaire qui lui a coûté cher, puisqu’il a perdu son rôle de président de l’UMP en mai 2014. Ses bureaux à l’Assemblée nationale et son domicile avaient déjà été perquisitionnés en début d’année. D’après ses déclarations, le député-maire de Meaux n’aurait pas été au courant du système de factures frauduleuses mis en place entre l’UMP et Bygmalion. Selon les personnes mises en examen dans ce dossier, il ne l’aurait appris que le 16 mai 2014 lors d’une réunion interne au parti par le biais de François Attal, le directeur d’Event & Cie. Toutefois Guillaume Lambert, le directeur de la campagne présidentielle, l’aurait averti en 2012 des difficultés financières auxquelles l’UMP était confronté.
Une position gênante pour l’ancien président de l’UMP, alors que la justice s’intéresse aux plus hauts échelons du parti, d’ores et déjà en pleins préparatifs pour la campagne présidentielle de 2017. Un chemin semé d’embûches également pour Nicolas Sarkozy qui entend bien reconquérir le pouvoir, alors que son rôle dans l’affaire Bygmalion reste opaque et que les soupçons de financement illégal de sa campagne en 2012 le poursuivent.
L’affaire Bygmalion n’a pas fini de miner l’UMP et le tout nouveau parti Les Républicains. Comme le promettait Jean-François Copé «tout est à réinventer, à reconstruire». Mais même si le parti a change de nom l’affaire Bygmalion n’a pas disparu ! Comme on dit : affaire à suivre…