Affaire Azibert : le système Sarkozy face à la Justice
Bygmalion, Kadhafi, Bettencourt, arbitrage Tapie, sondages de l’Elysée… Depuis qu’il est redevenu simple justiciable, Nicolas Sarkozy est accusé de toutes parts d’avoir joué de ses relations, notamment à des fins électoralistes. Lorsque Gilbert Azibert, haut magistrat proche de l’UMP, est accusé d’avoir tenté d’interférer dans le dossier Bettencourt, c’est l’affaire de trop qui entache sérieusement la crédibilité de l’ancien chef de l’Etat.
L’affaire dans les affaires
L’affaire Azibert débute une fois de plus par des révélations de Mediapart. Le site d’information publie les extraits d’une conversation entre Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog. Monsieur Sarkozy, alors redevenu « simple » citoyen, avait été mis sur écoute dans le cadre d’une autre affaire, celle d’une implication présumée du colonel Kadhafi dans le financement de la campagne présidentielle de 2007.
Selon ces extraits, Gilbert Azibert aurait prévenu Nicolas Sarkozy et son avocat de l’avancée de la procédure dans le dossier Bettencourt. Il aurait également tenté d’intervenir auprès de la Cour de cassation qui instruisait l’affaire pour annuler la saisie des agendas de l’ancien chef de l’Etat. Le contenu de ces agendas, saisis dans le cadre de l’affaire Bettencourt, a été partiellement transmis par le juge Gentil aux juridictions en charge d’une troisième affaire, celle du Crédit lyonnais.
Azibert, un homme de droite très influent
Le haut magistrat a eu lors de sa carrière de nombreuses responsabilités. Il fut notamment directeur de l’école nationale de la Magistrature (où il fut accusé de favoritisme politique dans les procédures de recrutement), procureur général près de la Cour d’appel de Bordeaux, directeur de l’administration pénitentiaire et premier avocat général près de la Cour de cassation.
Mais outre ses implications professionnelles et sa forte influence dans la franc-maçonnerie, Gilbert Azibert est également un personnage politique. Décrit pas le journal L ‘Express comme un ami de Thierry Herzog, l’avocat de Sarkozy, l’homme est marqué à droite et ne s’en est jamais caché. Son fils a d’ailleurs suivi ses pas, en faisant campagne auprès d’Alain Juppé à Bordeaux lors des dernières municipales.
Azibert, pivot entre le pouvoir et la Justice
En tant que président de la chambre d’instruction de Paris, Gilbert Azibert aurait gelé auprès de la Cour d’appel de Paris l’instruction impliquant Jacques Chirac et Xavière Tiberi dans l’affaire des faux électeurs du 5ème arrondissement. Il sera ensuite nommé en 2008 secrétaire général de la Chancellerie auprès de Rachida Dati, un poste hautement politique.
Censé prendre sa retraite en février 2013, sa carrière sera prolongée de deux ans par un décret signé par le président Sarkozy au lendemain de sa défaite, dans l’attente de l’investiture du président Hollande. Les mauvaises langues y verront un remerciement pour service rendu, ou une stratégie pour protéger Nicolas Sarkozy, en phase de perdre son immunité. Mais la manœuvre n’aura pas l’effet escompté, puisque face aux accusations pesant contre lui, Gilbert Azibert prendra volontairement sa retraite du monde juridique en juillet 2014.
Affaire Azibert : Etat des lieux
Bien que présumé innocent, une innocence qu’il crie haut et fort, une perquisition a eu lieu en mars 2014 au domicile de Gilbert Azibert, qui a ensuite été mis en examen en juillet pour trafic d’influence passif, recel de violation du secret professionnel et corruption passive. En échange de ce soutien, Nicolas Sarkozy lui aurait promis de l’aider à obtenir le poste très convoité de conseiller d’Etat à Monaco. Il n’accèdera finalement pas à cette fonction, mais l’intention même suffit à le mettre en examen pour cette tentative d’ « échange de bons procédés ».
Du côté de Nicolas Sarkozy, on essaie de jouer la montre. S’il a bénéficié d’un non-lieu dans l’affaire Bettencourt, il risque 10 ans d’emprisonnement pour trafic d’influence dans l’affaire Azibert. L’ancien chef de l’Etat conteste la légalité de ces écoutes qui à ses yeux sont une violation du secret entre l’avocat et son client.
Mais s’il n’y avait que l’affaire Azibert… L’enquête est toujours en cours sur les supposés financements libyens de la campagne de 2007. Il en est de même pour les dossiers Bygmalion et Karachi. Autant dire que le retour de l’ancien président en politique et sa préparation pour la campagne de 2017 sonnent comme une course à l’immunité… à moins que comme il l’avait proposé, le président Hollande parvienne à changer le statut pénal du chef de l’Etat.