L’UE s’arme d’un parquet pour lutter contre la fraude financière
Vingt pays membres de l’Union européenne ont donné leur accord en 2017 pour créer un parquet opérationnel. L’idée est de créer une justice européenne capable de lutter contre la fraude financière au sein de la communauté. Entre scepticisme, interrogations, espoirs et craintes, le champ d’action de ce nouveau parquet européen reste bien incertain.
L’Union Européenne tiendrait-elle enfin son gendarme financier ? Il est encore un peu tôt pour l’affirmer, mais on voit déjà poindre une nouvelle avancée dans l’histoire de la coopération européenne.
Depuis le mois d’avril 2017, 20 Etats membres (Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Croatie, Chypre, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Portugal, République Tchèque, Roumanie, Slovaquie et Slovénie) ont donné leur accord pour la création d’un parquet européen chargé de lutter contre la fraude aux intérêts financiers de l’UE.
Certains, tels que la Hongrie ou le Danemark, n’ont pas souhaité s’aligner sur c5e projet car ils ne souhaitent pas voir l’Europe s’immiscer dans leur justice nationale. Historiquement, ce sont des pays soucieux de ne pas tendre vers une Europe fédérale. Leur stratégie est donc d’éviter au maximum de rapprocher leurs institutions de l’UE afin de conserver une souveraineté nationale.
Un projet évoqué dès 2001
Les nombreuses négociations destinées à convaincre les différents Etats ont fait traîner en longueur la création de ce parquet (déjà évoquée en 2001 dans le traité de Nice) qui a finalement abouti, même si les initiateurs, la France en tête, ont dû lâcher du lest.
On est en effet encore loin de la création d’un « FBI » européen comme c’était la volonté au départ mais le parquet européen, qui sera basé à Luxembourg, devrait offrir une plus grande entente entre Etats-membres afin de protéger l’UE des fraudes financières importantes. Surtout, il sera la première institution européenne à disposer de compétences judiciaires propres.
La fraude fiscale européenne représente 168 milliard d’euros
Basé sur l’idée d’Eurojust, l’unité de coopération judiciaire de l’Union européenne aux moyens d’intervention limités, ce parquet aura la possibilité de poursuivre et de réaliser des investigations.
Concrètement, il pourra lutter contre les fraudes transfrontalières à la TVA, la corruption, le blanchiment d’argent ou des fraudes concernant des fonds débloqués par l’Europe.
La cour des comptes européennes a révélé que les fraudes financières en Europe représentaient une perte de plus de 168 milliards d’euros. C’est ce chiffre qui a motivé l’urgence d’une meilleure coopération entre Etats membres.
Un pôle central et un autre affecté à chaque pays
Le parquet sera organisé en deux secteurs. Un pôle central sera piloté par un chef de parquet qui dirigera et coordonnera les différents délégués dans chaque Etat membre. Ceux-ci feront partie du pôle décentralisé et seront affectés quotidiennement au suivi des dossiers concernant leurs pays respectifs.
Si les pays non-membres n’auront pas de représentant du parquet chez eux, ils se sont tout de même engagés à faciliter la coopération dans certains dossiers.
La mise en place de ce parquet devrait toutefois poser certains problèmes d’ordre administratif et fonctionnel. La crainte des plus pessimistes est d’assister à des complications liées à la nouveauté de cette institution et à la superposition de la justice communautaire et de la justice nationale.
L’espace pénal communautaire, un doux rêve pas si utopique
La question des coûts supplémentaires liés à cette nouvelle structure a aussi été posée mais le texte présentant le projet initial, rédigé en 2013, certifie qu’il n’y aura pas de dépenses supplémentaires, le parquet reposant sur « des ressources déjà existantes ».
Malgré les craintes et les interrogations, de nombreux acteurs de la cohésion européenne se félicitent de cette étape importante et espèrent toujours créer, dans le futur, un espace pénal communautaire qui serait synonyme d’une cohésion plus importante entre les membres de l’UE.