Les inculpés ont désormais leur droit de réponse grâce à un site
Imaginé par leur professeur de droit Hervé Temim, désormais parrain du site, Aaron Bass et Lucas Sebban, deux étudiants de Sciences Po ont relevé le défi de créer un site internet qui donne la parole aux présumés innocents. Sous forme de tribune, le site permet aux personnes inculpés, s’ils le souhaitent, de donner un droit de réponse aux accusations qui leurs sont portées. Loic Lefloc Prigent signe la première tribune publiée sur le site.
Aussi vieille que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la présomption d’innocence est loin d’être un principe juridique que l’on ressort soudainement du placard. En droit Français toute personne soupçonnée d’avoir commis une action illégale est innocente tant qu’elle n’a pas été jugée coupable par une décision de justice.
La présomption d’innocence demeure tant que la personne soit DÉFITIVEMENT condamné c’est-à-dire que plus aucun recours n’existe. Derrière ce principe il y a l’idée que le doute doit profiter à la personne. Avant de déclarer un individu coupable il faut avoir la certitude absolue de sa culpabilité.
Un principe trop souvent bafoué
Selon les initiateurs du projet, la présomption d’innocence est un principe qui reste plus simple à expliquer qu’à appliquer. La transgression quotidienne de ce principe fondateur du droit français, notamment par l’envahissement des médias dans la sphère juridique qui présentent bien souvent les inculpés (c’est à dire une personne à qui l’on reproche quelque chose, mais dont tout reste à prouver) comme des présumés coupables.
D’un point de vue médiatique on entend parfois plus l’accusation s’exprimer que la défense, « accuser est plus simple que défendre » confirme Frédérique Beaulieu avocate qui soutient l’initiative. En effet, qui ne se souvient pas de l’affaire d’Outreau et ces hommes et femmes brisés par l’appareil judiciaire. Des innocents présentés comme coupables du début de l’instruction jusqu’au dernier jugement qui les innocentera et remettra en cause la façon dont l’instruction a été menée. On peut imaginer qu‘un tel site aurait sans doute réconforté les victimes de cette malheureuse affaire.
Une initiative militante consacrée aux présumés innocents
Le site permet à des innocents, inculpé et mis sur le devant de la scène médiatique, de reprendre un certain contrôle de leur image et de saisir l’opportunité de rétablir auprès de l’opinion publique leur version des faits. C’est pour aider à l’amélioration du débat que le site « présumé innocent » a été créé avec la volonté de faire exister un espace nouveau où les personnes accusées peuvent se défendre et parler librement et directement.
Ces tribunes pourront aussi bien être lues par des avocats, des praticiens du droit, que des citoyens. On ne peut laisser aucun commentaire sur le site, le lecteur reste face aux tribunes des auteurs, tous présumés innocents jusqu’à nouvel ordre. Le lecteur ne peut compter que sur ses convictions personnelles pour pouvoir espérer faire la part des choses entre ce que l’on peut lire, entendre et écouter dans la sphère publique et ce droit de réponse donné sous forme de tribune à ces présumés innocents qui cherchent à rétablir leur vérité auprès de l’opinion publique.
La responsabilité pénale des deux étudiants pouvant être engagée (si la tribune avance des propos non fondés ou diffamatoires entre autre), ces derniers procèdent donc à une relecture attentive et choisissent de manière discrétionnaire les auteurs des tribunes qu’ils publieront sur leur site. Le fil rouge de cette sélection est de choisir des textes qui restent dans un cadre de défense et ne doivent pas faire office de tribune d’accusation.
Un projet d’avenir ?
Pourquoi se défendre sur un site plutôt que dans les médias, à la télévision ou dans les journaux? Parce que c’est un espace neutre sans journaliste! La tribune est libre, et sa mission est de développer un argumentaire. Les conditions d’énonciation sont complétement différentes. L’inculpé ne vient pas se défendre là où il a été accusé à l’inverse des médias de masse.
La création de ce site est-elle un signe que ce principe est mal appliqué et donc peut-être mal défini par la loi ? Faut-il y voir le signe qu’une réforme est nécessaire ? Si le site n’ouvre pas le débat sur une reforme juridique de fond, il a la volonté de rétablir un certain équilibre et il se veut aussi un vulgarisateur du droit. Un site éducatif pour éviter que la présomption d’innocence ne devienne présomption de culpabilité !