Les Européens et la Justice, entre désamour et incompréhension
Le dernier Eurobaromètre, réalisé en octobre 2013, sur la perception de la Justice en Europe publié par la Commission européenne, présente des résultats surprenants. En effet, le niveau de confiance affiché envers les systèmes est globalement positif (53% sur l’ensemble des répondants européens), mais varie énormément au niveau national : 85% pour la Finlande et le Danemark, contre seulement 25% pour la République Tchèque et la Slovaquie. Les chiffres dévoilent un climat morose quand à la perception de la justice par les Européens.
Ces résultats sont moins étonnants lorsque l’on se penche sur les chiffres liés au degré d’information des populations locales : à peine 40% des sujets déclarent connaître la démarche à suivre s’ils sont convoqués au tribunal ainsi que leurs droits à l’assistance dans un tel cas. Seulement un quart des répondants connaissent les coûts nécessaires à l’engagement de démarches judiciaires. Au global, près de la moitié de la population européenne considère avoir accès à un très faible niveau d’information sur la justice de leur pays.
C’est en partie cette impression d’un manque cruel d’information qui explique le désamour et le peu de confiance que les Européens placent dans leurs systèmes judiciaires nationaux. En Europe, 59% des répondants considèrent que la justice n’est pas appliquée de manière égalitaire. 62% des ressortissants pensent également que l’Etat est incapable de lutter efficacement contre la corruption.
Désamour des politiciens, dénonciation de la corruption…
Manque de confiance général, désamour des politiciens, dénonciation de la corruption… Les résultats de l’étude de la Commission européenne dévoilent une perception bien négative et un climat de pessimisme général vis-à-vis de la Justice. Cette perception est renforcée par l’absence d’expérience directe des ressortissants : seuls 7% d’entre eux se sont rendus personnellement dans une salle d’audience. Qui plus est, près de 90% des répondants déclarent préférer un accord en dehors des tribunaux.
Cette méconnaissance générale des démarches administratives cache pourtant des écarts drastiques au niveau national pour les pays ressortissants de l’Union européenne. Les pays d’Europe centrale et du nord se déclarent relativement satisfaits de leurs systèmes nationaux concernant les aspects civil, commercial et administratif de la justice (notamment la Belgique, la Finlande, la France et les Pays-Bas). Au contraire, les ressortissants d’Europe de l’est sont réservés quant à la qualité de la Justice dans leurs pays. La même tendance se dessine pour la justice pénale.
Le scepticisme et la critique
Le plus étonnant reste la perception qu’ont les ressortissants nationaux des systèmes judiciaires de leurs voisins européens. Seulement un quart des sujets considèrent leur système meilleur que les autres systèmes européens. Ces 25% concernent en particulier l’Allemagne, le Danemark et la Suède (respectivement 57%, 55% et 53% des ressortissants considèrent leur système comme étant le meilleur). À l’inverse, un tiers des répondants pensent que leur système est moins performant que certains autres systèmes nationaux en Europe. La Bulgarie, la Slovénie et la Roumanie arrivent en tête avec 70% des ressortissants déclarant leur situation pire que dans le reste de l’Union Européenne.
Le scepticisme et la critique persistent même dans les zones ou l’Union européenne a mené des initiatives pour améliorer la législation nationale. Ces réactions découlent malheureusement d’une méconnaissance du droit international et de la législation européenne. Les avis des répondants sont variés en ce qui concerne par exemple l’égalité des garanties de procédure à travers les pays membres ou les cas impliquant des parties originaires de deux pays européens différents. Pourtant, plus de deux tiers d’entre eux considèrent que le fonctionnement d’un système judiciaire national relève aussi d’une responsabilité au niveau européen. Les cas internationaux ne peuvent être traités efficacement si les Européens méconnaissent leurs droits et le fonctionnement de la justice. L’Union européenne se doit désormais d’implémenter des mesures d’éducation de ses citoyens pour combler les lacunes dans l’accès à l’information encore inégalitaire selon les pays membres.