Le Cercle Montesquieu : mieux comprendre la fonction de directeur juridique
Destiné à rassembler les directeurs juridiques des entreprises françaises ou étrangères de tous secteurs confondus, le Cercle Montesquieu se bat politiquement pour faire reconnaître l’évolution de la profession.
Créé en 1993, le Cercle Montesquieu rassemble des directeurs juridiques de tous horizons et de tous secteurs. Sa mission ? Donner l’opportunité à ses membres d’échanger sur un sujet commun afin de mieux cerner l’évolution de la profession de directeur juridique sur le plan national et international.
Tirant son nom du célèbre auteur de « L’Esprit des Lois », cette association de loi 1901 souhaite débattre de déontologie, professionnalisme, marketing ou management. Son slogan est d’ailleurs tiré de l’ouvrage de Montesquieu : « Pour faire de grandes choses, il ne faut pas être un si grand génie, il ne faut pas être au-dessus des hommes, il faut être avec eux ».
Selon le président du Cercle Montesquieu, la fonction de directeur juridique est aujourd’hui à la croisée des chemins et le débat s’impose. Ce métier est au cœur de l’activité d’une entreprise, loin de l’image du fonctionnaire du « contentieux » caché derrière ses piles de dossiers, et bien « avec les hommes » comme le suggérait Montesquieu. En évaluant les risques encourus par l’entreprise dans toutes les situations et les scénarios possibles, les directeurs juridiques sont aujourd’hui garants de l’image et de la stabilité des objectifs de cette dernière. Un atout essentiel à la compétitivité.
Toutefois, tout n’est pas rose dans cette profession en pleine expansion et il est parfois difficile de se faire entendre. C’est le rôle que veut jouer le Cercle.
Comprendre les différentes cultures juridiques
Fort de ses quelque deux cents membres, le Cercle Montesquieu compte parmi les plus grands directeurs juridiques de France. Magistrats et grands bâtonnier font aujourd’hui appel à leurs avis en raison de leur vision unique sur le monde du droit. Loin de la vision figée de la justice et du droit, le Cercle Montesquieu embrasse le changement de la profession, qu’il trouve plutôt positif.
Pourtant, les juristes restent désavantagés par rapport à leurs confrères d’outre-Manche ou d’outre-Atlantique. Par exemple, les directeurs juridiques français n’ont pas de recours à la confidentialité de leurs avis lors d’un procès. Contrairement à leurs confrères anglo-saxons, ils doivent divulguer toutes les informations qu’ils détiennent sur l’entreprise. Cela a déjà coûté cher aux entreprises française mises à mal par leurs concurrents au niveau international.
Le Cercle Montesquieu a donc monté une commission affaires internationales (CAI) au sein de laquelle les directeurs juridiques peuvent échanger leurs opinions sur la question. En avril 2015, une campagne en faveur de la confidentialité des juristes d’entreprise a été lancée, regroupant une centaine d’entreprises françaises. C’est un premier pas vers une meilleure compréhension de l’évolution du contexte juridique en entreprise.
Un gage de référence et une association de poids
Depuis sa création, le Cercle Montesquieu est monté en puissance. De quelques amis se réunissant dans les années 1990 pour débattre de l’avenir de leur métier, il est devenu un gage de référence et une association de poids dans les travaux de plaidoyer politique.
Le cercle a ainsi participé à diverses commissions gouvernementales concernant le statut d’avocat en entreprise. Ce dernier est en effet fer de lance du cercle. Pour eux, le directeur juridique devrait avoir un statut d’avocat d’entreprise car la fonction s’en rapproche chaque jour un peu plus.
Dans un monde internationalisé où la compétition se fait également sur l’image d’une entreprise, évaluer les risques d’une décision est un enjeu capital. Les sociétés sont en effet soumises à toujours plus de règles et de normes à respecter, ce qui suppose la mise en place de nouveaux systèmes d’actions en interne. Éviter les enquêtes et les contentieux devient de plus en plus sinueux dans un environnement en changement constant.
Dans ce contexte, le ministère de l’Économie a en effet souhaité entamer une réflexion sur les métiers d’avocat et de directeur juridique. Le cercle en est déçu.
Loi Macron en question
Depuis fin 2014, le projet de loi sur la croissance et l’activité voulu par le ministre de l’Économie Emmanuel Macron, touche la réglementation de la profession et crée le statut d’ « avocat d’entreprise ». Le Cercle Montesquieu s’en voyait ravi. Les juristes travaillant en entreprise depuis cinq ans pouvaient ainsi passer un concours de déontologies pour devenir avocat d’entreprise. Il s’agissait là d’une passerelle parfaitement adaptée à la réalité du métier. Ce système existe déjà en Allemagne, en Grande-Bretagne ou encore en Espagne.
Mais ce qui était valable en 2014 a été retiré début 2015. La passerelle est tombée, provoquant la colère du cercle. Il existe 16 000 juristes d’entreprise, c’est la deuxième plus grande profession du droit par le nombre… après les avocats. Ces derniers se sont en effet opposé à la mise en place de ce passe-droit, considérant qu’il était plus un moyen de « brader » leur profession plutôt que de l’adapter. Le Conseil national des barreaux (CNB) s’est ainsi déclaré défavorable à ce statut dès que les premières versions de la provision ont circulé sur Internet en octobre 2014.
Pour le Cercle Montesquieu, cette attitude corporatiste va, à terme, créer une grande fracture entre avocats et juristes d’entreprise en France. Selon l’association, les juristes sont les premiers clients des avocats, non leurs concurrents. Ce genre de corporatisme pourrait s’avérer très négatif pour la compétitivité des entreprises françaises.