L’affaire des faux passeports dans le foot français
Le président du club de Lyon, Jean-Michel Aulas, écrivait en décembre 2013 « Bravo au PSG (…) Un regret il faut des joueurs français à cette équipe ! Avant Matuidi : aucun ! ». C’est un tweet qui n’est pas passé inaperçu et qui réveillé de vieux souvenirs au football français. En effet, cette interpellation sur la nationalité des joueurs rappelle une autre de ses interpellations en septembre 2000. A l’époque, ses propos avaient donné naissance à l’affaire dite des « faux passeports. Retour sur cette affaire qui a marqué le foot français et dont les enjeux restent d’une actualité brulante.
Pour bien comprendre l’affaire des faux passeports, il faut revenir tout d’abord sur une décision rendue par la Cour de Justice de l’Union Européenne le 15 décembre 1995 (arrêt « BOSMAN »). Cette décision a libéralisé le recours possible, pour les clubs de foot européens, à des joueurs ayant la nationalité d’un pays de l’Union européenne. Les quotas limitatifs de joueurs européens, qui existaient auparavant, ont été supprimés. Seul le quota relatif aux joueurs de nationalité dite « extracommunautaire », c’est-à- dire d’une nationalité autre que celle d’un pays membre de l’Union Européenne, restait applicable.
Or, dans un secteur éminemment concurrentiel où un puissant marché des transferts se mettait en place au niveau européen, la limite au recrutement des joueurs extracommunautaires est très vite apparue comme problématique.
Récupérer une nationalité européenne à tout prix
La stratégie mise en place par certains clubs de foot a, alors, été d’essayer d’obtenir un passeport d’un des pays de l’UE pour leurs joueurs extracommunautaires afin que le quota de joueurs extra-communautaire ne soit pas dépassé. En France, Monaco, Strasbourg, Metz et surtout Saint Etienne sont entrés dans cette stratégie
Ainsi, au printemps 2000, les deux brésiliens de l’A.S. Saint-Etienne, Alex Dias de Almeida et José Aloisio, ont été invités à obtenir la nationalité portugaise, ce qu’ils indiqueront avoir obtenu quelques semaines plus tard.
Dès le début de la saison suivante, à l’occasion d’un match entre les frères ennemis, Lyon et Saint Etienne, le caractère suspect de ce changement de nationalité des joueurs de l’A.S. Saint Etienne va être soulevé. En l’occurrence, c’est la menace de Jean-Michel AULAS, le 6 septembre 2000, de contester les passeports obtenus par les deux joueurs stéphanois qui va mettre le feu aux poudres et plonger Saint Etienne dans une saison noire.
Une saison sacrifiée
Face aux rumeurs de faux passeports, les 78 passeports des joueurs européens ont été vérifiés. L’enquête révèlera que six joueurs avaient utilisé un faux passeport, dont la moitié à Saint-Étienne. L’engrenage a ensuite été terrible. Plaintes, perquisition, suspensions, transferts, démissions, garde à vue, mises en examen, bref la saison 2000 – 2001 de Saint Etienne eut davantage lieu côté cour que côté terrain.
Et côté cour, l’A.S. Saint Etienne n’a pas été ménagée et a dû composer avec les nombreuses décisions contradictoires rendues par les différentes institutions du football français. Ainsi, pour le simple match ASSE / Toulouse, gagné 1-0 sur le terrain par l’ASSE (avec un effectif illicite), cette victoire a été confirmée par la Ligue, annulée par la commission d’appel, re-confirmée par la Fédération avant d’être finalement annulée par le Tribunal administratif.
Au final, l’A.S. Saint-Etienne finira la saison avec sept points de pénalité, les suspensions des deux stars brésiliennes de l’équipe, Alex et Aloisio, et du gardien ukrainien Maxim Levitski, tous trois mis en examen pour faux et usage de faux, tout comme l’ancien président délégué du club, Gérard Soler, accusé de complicité d’obtention indue de documents administratifs et le directeur administratif, Didier Lacombe. C’est donc assez logiquement que, dans ce contexte, les joueurs retrouvaient en fin de saison le bas du tableau et la relégation en Ligue 2.
Une Incapacité à regler le problème
Au-delà de l’émoi provoqué par la découverte de cette pratique des faux passeports, c’est surtout l’incapacité à trouver une solution adéquate au problème qui a marqué l’opinion. En effet, c’est la saga médiatico-judiciaire qui donné une ampleur considérable à l’affaire. Il semble aujourd’hui que les leçons en aient été tirées mais comme l’a montré le dernier tweet de Jean Michel Aulas, la question de la nationalité des joueurs évoluant dans le championnat français, reste, quant à elle, toujours un sujet de polémique.