L’action de groupe « santé » : un nouveau levier pour le patient en France
L’Assemblée nationale a voté, le 17 décembre 2015, l’ouverture de l’action de groupe au domaine de la santé. Ce qui permet aux consommateurs de se grouper afin de réclamer des réparations suite à un préjudice. Il est donc nécessaire de bien comprendre ce que c’est et comment utiliser ce nouveau droit.
L’action en groupe existe en France depuis la loi Hamon, du 17 mars 2014. Il s’agit d’une action en justice dans le domaine de la consommation. Plusieurs consommateurs peuvent se regrouper contre une entreprise sous l’égide d’une association de consommateurs agréée. La loi santé de 2016 élargit son action au domaine de la santé. Elle permet la réparation de dommages corporels subis par des usagers du système de santé.
En effet, les associations de consommateurs ont le monopole de l’action de groupe. Elles peuvent être agréées au niveau national ou régional. D’ailleurs on compte quelques 500 associations en France et parmi les plus connus, on citera notamment l’UFC Que Choisir.
Ces associations présentent l’intérêt pour le consommateur d’avancer les frais juridiques, d’avoir une bonne expérience des médias et, parce qu’elles bénéficient d’une bonne image auprès du public donc une audience, elles agissent, parfois, tel un groupe de lobby.
Se regrouper permet alors de peser davantage dans la balance, mais se justifie aussi en matière d’indemnisation. Plus précisément l’action de groupe se fonde sur des cas individuels représentatifs de l’ensemble du groupe de victimes. L’ensemble des dommages de toutes les victimes pourront être réparés. Le tribunal va alors nommer un expert qui sera chargé d’établir le lien de causalité entre le produit et les dommages subis par les victimes. Il faut noter que cette étape peut parfois prendre plusieurs années.
La santé, un vaste domaine
La loi votée concerne les médicaments, les dispositifs médicaux, les produits sanguins labiles, les cellules, les organes et les tissus. Et elle est rétroactive. C’est-à-dire qu’une action de groupe peut être mise en place pour un cas antérieur à la promulgation de la loi. On pense donc alors aux cas du médiator, ou l’affaire du sang contaminé.
Plus largement, la loi regroupe tous les « produits à finalité sanitaire destinés à l’homme et des produits à finalité cosmétique ». Ces produits sont soumis au contrôle de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) qui permet leur commercialisation ou non. Les consommateurs peuvent intenter une action contre les producteurs, les fournisseurs ou tout prestataire utilisant un produit de santé. Cela induit une responsabilisation de tous les intermédiaires et professionnel de la santé. En d’autres termes : les médecins, les pharmaciens ou encore les grossistes sont concernés. Mais aussi les grands acteurs du milieu de la santé, les groupes pharmaceutiques peuvent être poursuivis dans le cadre d’une action de groupe. On notera également que l’action de groupe peut être faite directement contre l’assureur du responsable. Ce qui est un avantage certain pour les victimes.
L’action de groupe, un équilibre des forces
Les actions de groupe, courantes aux États-Unis sous le nom de « class action » ont défrayés la chronique opposant parfois des multinationales à de petits groupes de consommateurs. On comprend alors l’inégalité des moyens entre les deux partis. David contre Goliath !
C’est ici qu’entrent en jeu les sociétés de consommateurs agrées en avançant les frais relatifs au procès. L’action de groupe facilite également l’accès pour les victimes aux expertises.
Très souvent, au niveau médical, les dommages sont corporels et, s’agissant de produits de grande consommation comme les médicaments, on observera les mêmes préjudices sur plusieurs individus. Là aussi l’action de groupe permet de mettre en évidence plus facilement les liens de cause à effet. En comparant les situations, le juge peut déduire plus facilement, la responsabilité d’un produit, au travers différents individus, situations et paramètres.
L’implication pour les professionnels de la santé
Mais si, dans la théorie, l’action de groupe présente une protection supplémentaire pour les consommateurs, cette nouveauté présente des inconvénients. Pour les professionnels de la santé, on peut parler d’une américanisation de la procédure.
Sur le continent nord-américain, on compte plusieurs cas de « class action » initiées avec seul un but pécuniaire, émanant d’avocats réunissant autour d’eux un groupe de consommateurs. Ils arrivent à faire fléchir de grands groupes industriels et à leur réclamer des dommages et intérêts pour éviter le procès et donc la médiatisation. Cela implique pour les professionnels, une analyse préalable en vue d’évaluer les risques avant de sortir un produit sur le marché. Et donc parfois de renoncer à la sortie d’un produit, car représentant un risque trop grand.
Serait-ce donc un frein à l’innovation dans le domaine de la santé ? La loi ne prévoit aucune étape préalable afin de juger de la recevabilité du cas. De plus, le travail d’investigation par l’inspecteur est bien souvent très long. Pour les consommateurs, l’attente dans des situations où parfois les victimes sont dans une situation d’urgence peut se révéler être un facteur pour renoncer à cette procédure. Pour les professionnels de la santé, c’est l’ouverture vers un certain nombre de contentieux longs et fastidieux.
Si l’action de groupe présente une avancée pour les consommateurs, de façon plus pragmatique, la voie juridique pose problème du fait de la lenteur des procédures et de l’engorgement des tribunaux.