La direction des affaires juridiques de Paris : la gardienne de Paris
La direction des affaires juridiques de la ville de Paris (DAJ) s’appuie sur une vingtaine de cabinets d’avocats qui épluchent les dossiers épineux concernant le patrimoine matériel et immatériel de la capitale. Rencontre avec la gardienne de la ville, entre droit privé, droit public et intérêts politiques.
Travaux, décor de cinéma, lieux d’expositions ou encore « Paris 2024 » sont autant de manifestations de la ville de Paris derrière lesquelles se cache la direction des affaires juridiques de Paris (DAJ), située en face de la bibliothèque de l’Hôtel de ville. Créée en 1993 pour protéger l’image et les intérêts de la capitale, elle traite de dossiers aussi divers qu’épineux. La DAJ est une sorte de négociatrice du futur de la capitale et de son département et compte 71 fonctionnaires aux profils variés. Certains sont des magistrats en mobilité, comme son directeur Damien Botteghi en poste depuis 2013, d’autres viennent directement du secteur privé ou ont raccroché la robe d’avocat pour se mettre au service de cette administration. La majorité de ses agents sont des femmes, âgées de moins de 50 ans et fonctionnaires.
Ses principaux dossiers relèvent, entre autres, des expulsions du domaine public et privé, de la communication institutionnelle en période électorale, des plans locaux d’urbanisme et des opérations d’aménagement de la ville, du droit des marques, de la presse et de la protection des intérêts de la ville.
Missions de la direction des affaires juridiques : protéger Paris
Les tâches principales de la DAJ sont d’émettre des avis sur des décisions administratives et d’attribuer des marchés publics. En 2014, elle a ouvert 1 373 avis et 1 551 contentieux, dont 85% ont été gagné. Elle a également attribué 452 marchés pour 281 millions d’euros. La majorité de ses avis interviennent après ceux des juristes des directions des ministères. C’est la garantie d’avoir un avis extérieur dans les domaines de l’urbanisme, des droits publics et privés et dans celui des marchés publics.
Ainsi, dans sa mission de conseil et d’information sur la totalité des services de la ville et du département de Paris, la DAJ prête son expertise juridique à ses élus et au personnel administratif de Paris afin de les aider à rendre les décisions les plus neutres possibles. La DAJ a également une mission d’information et de protection des agents publics de Paris (civils et militaires). Ainsi, elle se doit de leur rendre le droit plus accessible mais aussi de régler les frais d’auxiliaires de justice et les honoraires de juges et d’avocat.
Paris étant un enjeu d’image de la France en même temps que l’arcane du pouvoir, sa réputation se doit d’être préservée. Qu’il s’agisse de suspendre, reprendre ou démarrer des travaux par exemple, la DAJ donne son avis. De même quand un monument sert de décor de cinéma, c’est elle aussi qui décide de la licence à attribuer car, le Paris que l’on voit dans les films relève du marketing de la ville. Les endroits populaires et initiateurs de culture sont également considérés par la DAJ comme des marques de la ville. Tout Paris est en réalité marqueté par l’administration et à chaque licence son dossier juridique.
Le dossier de la canopée des Halles un succès pour la DAJ
D’après la DAJ, les dossiers les plus difficiles à gérer sont souvent liés aux grands travaux planifiés pour la ville. Il est souvent difficile de concilier les intérêts publics et privés et les chantiers suscitent de nombreuses réactions, menant la DAJ à remettre des décisions de justice en question.
Tel est le cas pour La Samaritaine, par exemple. Le projet de sa nouvelle façade a été retoqué en janvier dernier par décision du tribunal administratif, qui jugeait le nouveau concept « dissonant » avec l’image de Paris. La DAJ a examiné le dossier pour se faire une opinion de la décision rendue par le tribunal et statuer sur la question de la neutralité. Pour elle, il s’agissait de savoir si un tribunal administratif peut se faire le juge esthétique de la capitale. Le feu vert pour ce projet a d’ailleurs a été donné le vendredi 19 juin par le Conseil d’Etat.
Le réel succès de la DAJ se ressent quand les contrats et les négociations ne sont pas remis en question et quand ses avis restent inconnus. C’est le cas dans le dossier de la canopée des Halles, par exemple. Composé de 25 000 panneaux de verre, ce projet a vu le jour sans un seul conflit devant les tribunaux grâce au processus d’accompagnement dans la décision que la DAJ a octroyé aux élus. La DAJ est fière de ce cas, qui restera dans les annales car il n’a pas fait de vague. En général, les riverains ont tendance quasi-systématiquement à s’opposer à de tels projets.