Juge des enfants, un métier pas comme les autres
La profession de juge des enfants est remise au goût du jour avec le film « La tête haute » qui a fait l’ouverture de l’édition 2015 du festival de Cannes. Focus sur cette profession à part.
Avant de pouvoir se lancer dans cette profession, il est nécessaire d’avoir soit effectué des études de droit soit d’avoir obtenu un diplôme de l’Institut d’études politiques. Si un master 1 est suffisant pour postuler au concours de l’Ecole nationale de la magistrature, un master 2 est fortement recommandé au regard du nombre de places et de la concurrence très rude.
Pour les chanceux qui auront réussi à intégrer la grande Ecole nationale de la magistrature de Bordeaux, une formation théorique et pratique de 31 mois devra être effectuée. Puis, suivant leur classement, les diplômés seront affectés à différents postes.
Le cœur du métier
C’est une profession à haute responsabilité et un métier difficile. Le fameux juge des enfants Jean-Pierre Rosenczveig en témoigne « mettre des enfants en prison, décider de les placer, tout le monde ne peut pas le supporter ».
La mission du juge des enfants comprend un double volet : pénal et civil. En effet, le juge des enfants intervient en matière pénale, le cœur initial de sa profession, depuis l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. L’ordonnance du 23 décembre 19582 lui a ensuite donné compétence en matière civile, afin de veiller à la protection des mineurs en danger.
Ce juge spécialisé de l’enfance siège au sein des tribunaux pour enfants ainsi que dans les tribunaux correctionnels pour mineurs, instaurés depuis le 1er janvier 2012 pour les mineurs de plus de seize ans récidivistes, jugés pour des délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement.
Ainsi, le rôle du juge des enfants est en quelque sorte « d’intervenir avant qu’il ne soit trop tard ». A l’instar de la justice pénale des adultes, il s’agit de sanctionner un acte déviant mais le plus souvent, cette sanction se doit d’être éducative, celle-ci devant permettre à l’enfant de se ressaisir et de lui donner les moyens de choisir une autre voie que celle de la délinquance.
En France, les mineurs de moins de treize ans ne peuvent pas être incarcérés, c’est la raison pour laquelle d’autres options doivent être envisagées tels que l’orientation vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle, un stage de formation civique… L’objectif du juge des enfants est, dans tous les cas, d’éviter l’incarcération qui pourrait aboutir à une désocialisation et à un isolement de l’enfant qui demeure un être en pleine construction.
Il n’est pas aisé de choisir la juste sanction, c’est pourquoi le juge des enfants doit avoir une oreille attentive pour nouer un lien de confiance tout en conservant l’autorité nécessaire pour ces enfants souvent en manque de repères.
Un travail étroit avec les éducateurs
Le juge des enfants et les éducateurs œuvrent main dans la main dans la rééducation de l’enfant et dans sa réinsertion au sein de la société.
Le film d’ouverture de l’édition 2015 du festival de Cannes, « La tête haute » d’Emmanuelle Bercot, dévoile avec beaucoup de réalisme ce lien fort qui existe entre le juge des enfants et l’éducateur. Ces deux rôles incarnés respectivement par Catherine Deneuve et Benoit Magimel mettent en lumière la mission de ces deux professionnels, profondément humains, qui vont tenter de remettre dans le droit chemin un enfant en pleine dérive sous les yeux de sa mère, impuissante.
Plus qu’un métier, une vocation …
La justice des mineurs est une justice atypique qui demande au juge non seulement de dire le droit mais également d’avoir cette fibre sociale indispensable à cette profession. Le juge des enfants Jean-pierre Rosenczveig se définit comme étant « un médecin du social », celui qui, à travers son pouvoir décisionnel, sera en mesure de donner à un enfant le pouvoir de s’en sortir.
Malheureusement, en France, les magistrats sont régulièrement amenés à changer de poste. En moyenne, les juges des enfants restent en poste deux ans et demi puis changent de spécialité. En effet, cette profession, éprouvante psychologiquement nécessite une grande force mentale pour pouvoir l’exercer pendant plusieurs années. Il serait pourtant bénéfique que ces derniers restent plus longtemps en fonction, un suivi de l’enfant jusqu’à sa majorité étant souvent nécessaire. Un changement d’interlocuteur est parfois troublant pour un enfant.
Mais sans nul doute, le métier de juge des enfants est passionnant et requiert une véritable vocation !