L’innovation technologique aura-t-elle raison de la profession d’avocat ?
Le 21 octobre dernier se tenait à Paris un colloque sur l’avenir de la profession d’avocat. Le CCBE (Conseil des barreaux européens) et l’AIJA (Association internationale des jeunes avocats) ont mené une large enquête pour aborder le futur de leur profession. Cabinets, barreau, justice, innovation, automatisation, toute une série d’axes abordés et des débats pour comprendre qui seront les avocats de demain.
Enquête réalisée et présentée au colloque de Paris, menée auprès de 80 avocats (76,32 % Européens et 23,68 % hors EU), dont 63 % ont entre 30 et 40 ans.
Les avocats prêts pour le changement ?
Les avocats d’aujourd’hui sont-ils prêts à innover et remettre en question leur fonctionnement actuel ? Plus de 61 % d’entre eux pensent que le danger pour leur profession ne viendra pas de la robotisation remplaçant les humains par des machines ni de la justice prédictive, ou encore de l’externalisation de services vers des tiers mais justement de la peur du changement. Ils sont en réalité leur propre frein à l’innovation.
Les nouvelles technologies dans les services juridiques
Si le premier prix à l’innovation remis à l’avocat belge Jean-François Henrotte pour son travail sur la création d’un outil d’intelligence artificielle à destination des cabinets d’avocats montre une volonté d’aller de l’avant, la majorité des avocats interrogés sont mitigés quant à l’intervention de robots dans le travail au sein des services juridiques. En revanche, une grande partie d’entre eux sont convaincus que les nouvelles technologies auront, à court terme, un grand impact sur l’organisation des tâches au sein des cabinets provoquant aussi une influence sur les prix des prestations juridiques.
Modernisation des cabinets d’avocats
Alors, quelles sont justement ces nouvelles technologies qui seront largement intégrées demain dans les cabinets d’avocats? Le site internet (85 %), les réseaux sociaux (66 %), les outils de Marketing et de communication (60 %), les moteurs de recherches juridiques (52 %) sont des choix quasi obligatoires dans la course à la modernisation pour rendre leur travail plus efficace. Seulement 25 % sont par ailleurs convaincus des services juridiques en ligne. Même si on voit une volonté de changement, on est loin du résultat escompté puisque seulement 41 % des avocats interrogés déclarent avoir pris des mesures pour avancer sur le chemin de l’innovation.
L’accès au droit à la justice
Si la majorité des avocats interrogés pendant l’enquête ne sont pas convaincus de l’intervention de l’intelligence artificielle dans le droit à la justice, le débat fut animé pendant le colloque et les arguments furent nombreux. Plusieurs start-up comme Legaltech ou ROSS (le robot avocat) mettent en avant une technologie révolutionnaire.
Dans un pays comme la France où le nombre de magistrats n’a pas évolué depuis deux siècles mais où la population a doublé sur le même laps de temps, le droit à la justice pour tous est tout simplement impossible à honorer de nos jours. L’intervention de ces start-up démontre qu’elles seront une aide précieuse aux avocats et à la justice en général. Elles seront les partenaires des cabinets pour toutes une série de tâches irréalisables aujourd’hui.
L’efficacité du système judiciaire remis en question
Que pensent les avocats d’aujourd’hui sur le système judiciaire en place ? Pendant l’enquête, les avocats interrogés nous disent qu’ils pensent, à 18 %, qu’il est efficace, à 41 % qu’il est juste, à 28 % qu’il est accessible à tous et seulement 10 % qu’il est rapide. Mais 41 % des avocats ne citent pas un seul de ces 4 derniers adjectifs lorsqu’on leur demande de qualifier le système judiciaire actuel.
Entre innovations et droit humain
Innover sans se travestir, c’est une phrase glissée par Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. En encourageant les avocats à ne pas s’opposer à l’innovation de leur métier, il cite Neil Simon : « si personne ne prenait de risque, Michel-Ange aurait peint les planchers de la chapelle Sixtine ».
Si beaucoup salue les efforts de toutes les instances et des start-up dans la course à l’innovation, il ne faut pas oublier l’humain et le droit donné à chacun d’accéder à la justice. Michel Benichou, président du CCBE, rappelle justement qu’il souhaite aussi que l’on maintienne de l’humain dans le droit car « sans cela, il n’y a pas de justice ». Il conclut en rappelant avec vigueur : « Le droit n’est pas une marchandise, ni un produit que l’on peut vendre dans un supermarché ou sur une plateforme, car la solution juridique engage et peut changer la vie d’un homme. Nous croyons que le droit est résistance, humanité et innovation ».