Immigration : mieux nommer pour mieux comprendre
En droit des étrangers, l’origine n’existe pas. Tout est question de nationalité, mais aussi de point de vue. Si l’on prend par exemple la France et le droit français comme point de référence, sera considéré comme étranger toute personne n’ayant pas la nationalité française.
Il s’agit d’un concept exclusif, c’est à dire que l’on ne définit pas comme étranger une personne qui a une nationalité étrangère, mais qui n’a pas la nationalité du pays concerné. Autrement dit, une personne qui a la double nationalité française et italienne n’est pas un étranger au regard du droit français. Cette personne ne sera pas considérée non plus comme étrangère au sens du droit italien, et ce malgré sa nationalité française.
Certains traités ou certaines unions d’Etats (tels que l’Union européenne par exemple) garantissent des droits communs à l’ensemble des ressortissants des Etats membres, c’est à dire à l’ensemble des personnes possédant la nationalité d’un ou plusieurs des Etats membres. Les personnes ne pouvant se réclamer d’aucune nationalité de cette Union sont considérés comme « ressortissants de pays tiers ».
Un immigré est-il un étranger ?
Pas forcément. La migration est un mouvement. Un migrant est une personne qui, de manière forcée ou voulue, franchit physiquement une frontière, que ce soit par la mer, les airs ou par voie terrestre.
Un migrant est nécessairement un émigré, c’est à dire une personne qui a quitté un Etat. A moins d’être retenu dans les eaux internationales (ce qui fut le cas de certains boat people) il sera également nécessairement un immigré, c’est à dire une personne qui est entrée sur un territoire. Tout est une nouvelle fois question de point de vue. Un migrant quittant l’Australie pour se rendre aux Etats-Unis est un émigré pour l’Australie et un immigré pour les Etats-Unis.
Il faut bien distinguer le concept d’étranger de celui d’immigré. Il est tout à fait possible d’être étranger, c’est à dire de ne pas avoir la nationalité de l’Etat dans lequel on se trouve, sans avoir migré pour autant et inversement. Un irlandais né en France et y résidant depuis sera étranger (à condition de ne pas avoir la double nationalité) mais pas immigré. A l’inverse, un irlandais né en Irlande, vivant en France et ayant obtenu la nationalité française est du point de vue français un immigré mais pas un étranger.
Un réfugié politique, ça n’existe pas
Le statut de réfugié est très spécifique. Il est défini dans les législations des Etats européens et dans beaucoup d’autres législations nationales par la « Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés ». Ce texte de référence, faisant suite aux nombreuses migrations de fuite causées par la Seconde Guerre mondiale, définit le réfugié comme une personne se trouvant hors du ou des pays dont il a la nationalité (il est donc étranger mais pas nécessairement migrant) et qui craint avec raison d’être persécuté en raison de sa race, sa religion, son groupe social (orientation sexuelle ou profession par exemple), sa nationalité ou ses opinions politiques.
Contrairement aux idées reçues, un réfugié ne fuit pas forcément son pays pour des raisons politiques. Le terme couramment employé de « réfugié politique » n’existe d’ailleurs pas en droit, tout comme celui de réfugié climatique. Le statut d’apatride, visant à protéger les personnes dépourvues de nationalité, est relativement similaire au statut de réfugié.
Un demandeur d’asile est-il un réfugié ?
Personne ne le sait. Le demandeur d’asile, lui, est dans un statut théoriquement transitoire. Affirmant être un réfugié au sens de la Convention de Genève, il demande au pays dans lequel il est venu chercher protection de reconnaître son statut de réfugié. Car il s’agit bien ici d’un acte de reconnaissance et non de l’octroi d’un statut. Au sens de la Convention de Genève, un réfugié ne devient pas réfugié au moment où l’OFPRA ou toute autre instance délibère sur son dossier. Son statut est antérieur à sa demande.
Cette subtilité permet de mieux comprendre les mécanismes d’accueil des demandeurs d’asile. La Convention de Genève contraint les Etats signataires à un principe de non-refoulement des réfugiés à leurs frontières, et à leur garantir des conditions de vie au moins égales à celles de leurs citoyens. Pour rendre ce principe de non-refoulement effectif, ces Etats ont donc l’obligation de laisser entrer sur leur territoire toute personne se réclamant du statut de réfugié, le temps de définir si elle est ou non un réfugié au sens de la Convention de Genève. Le statut de demandeur d’asile étant temporaire, l’engorgement des structures d’accueil dans certains pays n’est pas lié uniquement aux fluctuations du nombre d’arrivées ou de demandes, mais aussi à la lenteur des administrations compétentes pour se prononcer sur le statut des demandeurs.
Le fait qu’il s’agisse d’un acte de reconnaissance de statut explique également pourquoi il n’est pas possible d’établir des quotas dans le système d’asile français ou européen. On ne choisit pas qui est réfugié. On reconnaît un statut antérieur à la demande d’asile.
Un expatrié est il un immigré riche ?
Le terme est souvent utilisé de manière erronée pour définir les citoyens de pays dits « riches » migrant dans des pays dits « pauvres ». Etymologiquement, un expatrié (qui a quitté sa patrie) est un émigré du point de vue du pays qu’il a quitté, et donc un immigré du point de vue du pays dans lequel il réside.
En droit français, le statut d’expatrié n’apparaît pas en droit des étrangers, mais dans le Code de la sécurité sociale. Il définit les personnes envoyées à l’étranger par une entreprise privée de manière durable (pour une courte durée, on parle de détachement). La spécificité de l’expatrié réside dans ses droits et devoirs vis-à-vis de la France en terme d’emploi et de sécurité sociale, souvent définis par des conventions bilatérales.
Ainsi, un Français qui part aux Etats-Unis travailler sous un contrat américain n’est pas un expatrié. Un Italien travaillant à Bruxelles au Parlement européen non plus. La notion d’expatrié est liée au type de contrat de travail. Il est complètement détaché de la nationalité. Un ressortissant chinois travaillant en France pour une entreprise française pourrait très bien être envoyé comme expatrié en Chine, sous un contrat français plutôt que sous un contrat local. On peut être expatrié sans pour autant être étranger.