Entre vices de procédure et covid-19… Où en est l’affaire de la grotte sanglante ?
En juillet 2014, Patrick Isoird est retrouvé mort à Sète. Criblé de balles, en partie calciné, aucun doute que l’on se trouve face à un homicide. Où en est l’enquête, presque six ans plus tard?
L’hypothèse du crime passionnel
Le 23 juin, Patrick Isoird, employé dans le milieu hospitalier, disparaît. L’homme de 49 ans est retrouvé dans une grotte à Sète après plus de 3 semaines. Son corps est criblé de deux balles et partiellement calciné. L’enquête est lancée, et la police retrouve la trace d’appels téléphoniques entre la victime et une certaine Audrey Louvet, qui aurait servi d’appât. La jeune femme aurait fait miroiter un rendez-vous galant à Patrick Isoird pour pouvoir l’attirer dans la grotte, et ce, à la demande d’un coiffeur à domicile de Sète, Rémi Chesne, également âgé de 49 ans.
Encore aujourd’hui, ce dernier est considéré comme le suspect numéro 1. Le mobile? Nadège Chesne aurait eu une relation adultère avec Patrick Isoird quelques années plus tôt. C’était en 2009, et au lendemain de cette aventure, Nadège Chesne avait été retrouvée pendue dans le garage de sa maison. La famille de Nadège, et notamment son père, a toujours cru qu’il s’agissait d’un meurtre maquillé en suicide.
Les aveux d’Audrey Louvet ont resserré l’étau autour de Rémi Chesne. Cette dernière avait en effet reconnu avoir conduit Patrick Isoird sur les lieux du crime, apparemment sans connaître le destin funeste qui l’attendait tapis dans l’ombre de la grotte.
Une instruction bâclée?
Si Audrey Louvet, suite à ses aveux, ne pourra échapper à la condamnation pour complicité d’assassinat, Rémi Chesne continue quant à lui de plaider son innocence. Défendu par Me Luc Abratkiewicz et Me Frank Berton, il est actuellement placé en détention provisoire et ce, depuis 2016. Selon ses avocats, Rémi Chesne fait l’objet d’un acharnement judiciaire, et reproche à la juge d’instruction en charge de l’affaire de ne pas explorer avec assez de zèle des pistes alternatives.
Alors que la défense multipliait les demandes de remise en liberté, un mégot de cigarette avait par exemple été retrouvé dans la grotte, et l’analyse ADN n’a «matché» que l’an dernier. Il correspond à celui d’un individu résidant à Lyon, impliqué dans plusieurs procédures criminelles de stupéfiants et de séquestration. De plus, les avocats du suspect pointent du doigt des virements bancaires suspects effectués chaque mois pour la victime. Une piste laissait inexplorée selon la défense.
De même, le 11 mai 2018, le clan Rémi Chesne avait plaidé son blanchiment face à la chambre d’instruction. Seulement, celle-ci n’avait pas été mise au courant des éléments expliqués plus haut, puisqu’ils n’avaient pas été transmis par la juge chargée de l’affaire, bien que ce soit obligatoire. Les informations ne sont remontées auprès de la chambre d’instruction que trois jours plus tard, par le biais du procureur en charge du dossier.
Ces éléments, en particulier ceux relatifs au mégot, ont finalement permis de relancer l’enquête. La piste du crime passionnel tient toujours, mais la justice ne peut écarter l’hypothèse d’un règlement de compte tout à fait extérieur à la relation entre Nadège Chesne et Patrick Isoird.
Défense de Chesne
En ce qui concerne Rémi Chesne, il affirme qu’il a toujours ignoré que sa femme avait commis l’adultère avec Patrick Isoird. Pour ce qui des mots clés recherchés sur son portable, il dit que les mots «cartouches» font référence à des cartouches d’encre. Que le mot «essence» n’est rien d’autre que la marque de maquillage de sa fille. Rien n’est cependant précisé pour les recherches concernant les mots «grotte» ou «alibi».
Si la défense de Rémi Chesne peut donc légitimement critiquer une procédure certes imparfaite, pour l’avocat général, les demandes de remise en liberté n’avaient de toute manière aucune chance. Si il est reconnu coupable, la peine encourue par l’accusé sera la perpétuité. Il aurait en conséquence toutes les raisons de fuir la justice, ce qui empêche de facto une potentielle remise en liberté.
Le procès (encore) reporté
Toute cette affaire aurait dû être réglée au mois de mars dernier. Le procès, censé déchaîner la presse et les passions, devait avoir du 19 au 27 à Montpellier. Cependant, suite à la crise du Covid-19, il a été repoussé à une date encore indéterminée.
Un nouveau report après «l’élément mégot de cigarette», qui prolonge le séjour de Rémi Chesne en détention. Et peut-être un levier pour la défense qui devrait utiliser ses multiples prolongations pour s’attirer les faveurs de l’opinion public. Peut-être même une réduction de peine si le principal suspect est reconnu coupable?
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