« Pourquoi défendre une personne coupable ? »
Prendre la défense d’un criminel, n’est-ce pas se rendre complice du mal accompli ? Vu de l’extérieur, l’avocat peut paraître une girouette dénuée de toute morale, capable de défendre n’importe cause contre rémunération. Que répondre à ces accusations ?
La loi est censée représenter les valeurs d’une société. C’est pourquoi tout comme la société elle est en perpétuel changement. Il n’est pas du ressort de l’avocat d’évaluer ce qui est moral ou ce qui ne l’est pas. L’avocat est humain, il n’est pas dénué de morale. Ce sont d’ailleurs bien souvent ses convictions qui l’ont poussé à faire ce métier. Mais tout comme le médecin se jure de soigner le malade, qui qu’il soit et quelque soit la raison de son mal l’avocat est un professionnel, chargé de garantir le droit inaliénable à être défendu.
L’avocat défend le Droit et non la Morale
Alors même que la Morale est personnelle, la Loi, elle, est la même pour toutes et tous. Selon les points de vue, une Loi ne sera donc pas toujours morale. La majeure partie de la population désapprouvera un meurtre ou un viol, mais si l’on prend par exemple un sujet qui divise fortement toute société, le droit des étrangers, la limite entre ce qui est moral et ce qui ne l’est pas devient plus floue, plus personnelle. Le Droit est là pour fixer des règles, et il doit être défendu quelque soit la situation. Le rôle de l’avocat est de s’assurer que les droits (écrits dans la Loi) de son client soient respectés. Son rôle n’est pas de juger de la moralité d’un acte, d’une accusation, d’une loi.
L’avocat s’assure du fait qu’une peine soit utile
L’acharnement sur un coupable pour venger une victime ou la société n’a pas de sens et les lois ne sont pas prévues pour cela. La peine doit apporter quelque chose à la société. La prison par exemple a pour but d’écarter et en principe d’aider à se réinsérer une personne potentiellement dangereuse pour la société. On parle beaucoup du manque de rôle éducatif des prisons qui selon certains créent de la criminalité, ce qui est à l’opposé de leur rôle.
La question des remises de peine fait également polémique. Mais la justice ne peut pas se résumer à une vision arithmétique selon laquelle tel acte « vaudrait » tant d’années de prison ou tel montant d’amende. La peine doit avoir soit un rôle dissuasif (amendes), soit un rôle protecteur (écrouer une personne pour l’empêcher de nuire). Le rôle de l’avocat, c’est aussi de défendre une peine juste et utile à la fois pour son client et pour la société.
Coupable de quoi ? D’où vient la Loi ?
Qu’est ce qu’un coupable sinon quelqu’un qui ne respecte pas une loi à un instant t et en un lieu donné. Rappelons que l’homosexualité a été abolie en France en 1982 et que l’IVG n’est pas autorisée dans tous les pays d’Europe. Un acte peut vous rendre coupable ou non selon le lieu et l’époque. Cela relativise la notion même de culpabilité.
Pour prendre un exemple plus extrême, être résistant sous le régime de Vichy, c’est à l’époque être coupable aux yeux de la Loi. La France a été construite par des coupables en terme juridique, mais personne ne remet en cause leur légitimité.
La loi, qu’elle permette d’accuser ou de défendre une personne, vient du peuple, par le processus démocratique. Ni la démocratie, ni la Loi ne sont parfaites, mais aucune loi n’est écrite sans raison, sans fondement, et cela même si elle permet de défendre un coupable. Certains droits fondamentaux (respect de la vie privée, respect des sources journalistiques, interdiction de la torture) ont une origine et une légitimité, mais risquent d’être bafouées dans le but de prouver une culpabilité.
Tenter de comprendre et d’expliquer
Aucun drame n’arrive sans raison. Il ne s’agit pas d’excuser, mais d’aider à comprendre les raisons qui ont poussées au crime (problèmes psychologiques, accident, crime passionnel…), afin de redonner un aspect humain au contexte et de trouver une issue, une peine, qui soit la plus adaptée à la situation. Par exemple, un problème psychologique ne sera bien évidemment pas mis en évidence par l’avocat, mais par un psychiatre. Le rôle de l’avocat, en revanche, sera de s’assurer qu’une évaluation psychiatrique aie bien lieu, qu’elle soit prise en compte lors d’un jugement, et que si cela est jugé nécessaire (par le médecin psychiatre, non pas par l’avocat), le client soit pris en charge de manière adaptée.
Le droit à un procès équitable dans un Etat de Droit, une question de dignité
L’avocat tente d’éviter les erreurs judiciaires. Même si elles sont rares, elles existent. Et leurs conséquences peuvent briser des vies. L’avocat n’est pas là dans le but de laisser libre un meurtrier, mais de garantir que ses droits, et en premier lieu le droit à la défense, ne soient pas bafoués.
Le premier rôle de l’avocat n’est pas comme beaucoup le croient de convaincre, mais d’informer. S’assurer que toutes les personnes impliquées dans un procès soient conscientes de leurs droits quelque soit leur niveau d’éducation, leur origine culturelle, ou parfois leur niveau de compréhension de la langue dans laquelle se déroule la procédure, voilà la condition inaliénable à l’accès à un procès équitable.
Être défendu lorsque l’on est reconnu coupable (et dans la plupart du temps, lorsque l’on reconnaît soi-même sa culpabilité), ce n’est pas tenter d’éviter à tout prix d’être condamné. Il s’agit plutôt de rendre la décision de justice « juste », en accord avec la Loi et de la rendre acceptable aux yeux de l’accusé, des victimes et de la société. Après tout, n’est-ce pas cela la Justice ?