Classement GQ : Qui sont les nouvelles voix du monde juridique français ?
Depuis 8 ans maintenant, le classement des avocats les plus puissants de France établi par GQ est “un rendez-vous incontournable dans l’univers judiciaire”. Cette année, le nom du lauréat du classement donne le ton des mouvances qui bousculent “les codes du grand théâtre de la justice” française. En effet, le lauréat n’est autre que William Bourdon, qui fait son entrée dans le classement directement à la première place !
Cet avocat pénaliste, qui s’est notamment illustré dans ses poursuites contre Lafarge ou en conseillant Edward Snowden, malgré ses 61 ans, bouscule les habitudes du classement emblématique ! Focus sur “cette France d’entre deux-mondes” racontée par ce palmarès : entre les ténors du barreau, et la “génération Macron”, prête à bousculer “les habitudes et les hiérarchies”.
Les ténors du barreau… et du classement
Si maître William Bourdon a réussi à faire une entrée remarquable directement à la première place du classement, les anciens, véritables ténors du barreau, tiennent encore largement le haut du classement. Parmi ces habitués, on retrouve donc maître Eric Dupond-Moretti, avocat pénaliste emblématique. Souvent impliqué dans des affaires très médiatisées, il a défendu le frère de Mohamed Merah, pour qui il a obtenu l’acquittement pour “complicité d’assassinats”.
Jean Veil, lauréat du classement précédent et spécialiste du droit pénal des affaires, conserve également sa place dans le haut du classement. Homme très influent, il est également intervenu dans des affaires très médiatisées, telles que l’affaire Clearstream ou la défense de la Société Générale contre Jérôme Kerviel, et compte parmi ses clients de grands groupes comme Total ou la SNCF.
Malgré l’omniprésence du pénal sur la scène médiatique, les avocats spécialisés en droit constitutionnel ne sont pas en reste. Ainsi, on retrouve Patrice Spinosi sur la troisième marche du podium, suivi de près par François Sureau, son associé, qui fait son entrée dans le classement cette année, en partie grâce au poids médiatique de sa dernière affaire : la défense de François FIllon lors de la présidentielle. Engagés à travers leurs divers combats judiciaires pour les libertés fondamentales, l’un en est à “plus de cinquante questions prioritaires de constitutionnalité”, et l’autre prête sa riche plume d’auteur d’une vingtaine de romans, récompensé d’un Goncourt, aux “plaidoiries techniques” du Conseil Constitutionnel.
Voir sur notre site : WiIliam Bourdon, Eric Dupond-Moretti, Jean Veil, Patrice Spinosi.
Les incontournables : des puissances confirmées
Face à ces ténors du barreau – souvent parisien, il faut bien le dire, d’autres avocats talentueux régulièrement classés dans ce palmarès par GQ ne sont pas en reste. On retrouve par exemple le très engagé maître Richard Malka, spécialiste du droit de la presse et avocat emblématique de Charlie Hebdo. Scénariste de bandes dessinées touchant au monde judiciaire et à la politique depuis une dizaine d’années, il a cette année publié son premier roman chez Grasset.
Aux côtés de Malka, on retrouve d’autres avocats dont les noms sont à retenir qui ont su s’imposer dans le milieu depuis quelques années. Parmi eux, Antonin Lévy ! Le benjamin du classement, formé par un ténor du barreau, Olivier Metzner, a déjà de grands procès à son actif, et a fait parler de lui cette année en défendant Pénélope Fillon lors de l’élection présidentielle.
Fidèle au classement depuis ses 32 ans, Jérémie Assous tient sa place d’avocat “imaginatif et impertinent”. Souvent impliqué dans des affaires politiques, il a récemment défendu la “chasse aux DRH”, happening militant jugé violent, organisé en octobre dernier à Paris contre la ministre du Travail Muriel Pénicaud, une affaire qui fait écho à sa défense du “groupe de Tarnarc”, militants de gauche accusés d’avoir saboté des lignes de TGV en 2008.
Plus disruptifs du côté des pénalistes, le duo “atypique” formé par Yassine Bouzrou et Julie Granier tient sa place dans le classement. Ces deux jeunes avocats bientôt quarantenaires sont notamment entrés dans le monde médiatique cette année avec l’affaire Tariq Ramadan. Très actifs, Bouzrou et Granier ont récemment déposé une plainte contre Lactalis et l’Etat dans l’enquête sur le lait contaminé : certainement un duo à suivre de plus près en 2018 !
Voir sur notre site : Richard Malka, Antonin Lévy, Jérémie Assous, Yassine Bouzrou.
Les nouvelles figures montantes : des talents à suivre en 2018
En effet, le classement GQ est aussi l’occasion de faire découvrir au grand public des figures moins médiatisées, qui n’en sont pas moins talentueuses pour autant. Ainsi, le très “technique” Christophe Ingrain, fait son entrée à la 12ème place du palmarès. Ex-magistrat et juge d’instruction, ex-conseiller de Nicolas Sarkozy à l’Elysée, pénaliste officiant dans un cabinet d’affaires, il incarne la volonté des cabinets d’affaire de s’attaquer au pénal. Si celui-ci se considère mauvais plaideur, il semble tout de même avoir gagné la confiance des plus grands, et a déjà été en charge de lourds dossiers tels que Lafarge ou Mathieu Gallet.
Enfin, GQ a également mis en exergue dans sa cuvée 2018, des figures singulières, les nouveaux avocats engagé(e)s sur des phénomènes de société, qui s’affairent à défendre les “oubliés”. Ainsi, à la 18ème place, on retrouve Anne Bouillon, militante féministe, basée à Nantes, loin du tumulte parisien qui reste trop souvent l’épicentre de la justice en France. Elle n’en est pas moins active !
Dans un autre registre, mais toujours engagé, c’est Fiodor Rilov qui fait cette année son entrée dans le classement GQ. Membre du Parti Communiste Français depuis l’adolescence, cet avocat britannique a été en charge de procès relatifs à des luttes sociales emblématiques, notamment pour les usines de Continental, Goodyear ou dernièrement de Whirlpool. Son travail ? Mener “la lutte des classes contre les grandes forces du capital” selon lui.
Les plus puissants… selon GQ
Certains émettent quelques objections face à ce classement établi chaque année par GQ. Les femmes peinent toujours à s’imposer dans le classement malgré leur place majoritaire dans la profession (54%) ; en effet, elles ne sont que 2 à faire leur entrée dans le classement cette année, contre 9 hommes. Même s’il est difficile d’en faire totalement le procès à GQ, étant donné que les femmes avocates sont beaucoup moins connues que leurs confrères, ce classement n’aurait-il pas été l’occasion de faire découvrir au grand public des profils féminins doués ? Pour GQ sont inconnues au bataillon cette année : Delphine Meillet, Yasmine Attia, Corinne Dreyfus-Schmidt.
De même, même si la jeune génération est mise à l’honneur cette année, le classement comporte seulement 6 avocats de 40 ans ou moins. L’influence et l’expérience justifieraient-elles ce retard des jeunes générations dans le classement ?
Par ailleurs, le magazine Jeune Afrique établit lui aussi un classement d’avocats depuis 2012 dont la méthode se distingue largement de celle de GQ. En effet, là où GQ assume sa part de subjectivité, Jeune Afrique présente sa méthodologie donnant ainsi à son classement une légitimité supplémentaire. Ainsi, en soumettant un questionnaire à 50 cabinets d’affaires et grâce aux listes de tous les dossiers traités par ceux-ci, le magazine a pu départager les avocats sur la base de critères énoncés, tels que : le nombre de dossiers traités, la complexité de ceux-ci, les montants en jeu, la diversité des pays concernés, mais aussi l’utilité économique et sociale de chaque dossier.
Il se pose évidemment ici la question du sens que confère GQ au terme de “puissance”. Un avocat puissant est-il un avocat aux affaires médiatisées, disposant d’un confortable réseau de leviers d’influence, murmurant à l’oreille des grands de ce monde ou s’attachant à défendre les plus faibles ? C’est en tout cas le portrait type que semble dépeindre GQ de la profession….