Ce que nous révèle le classement des 50 avocats qui ont marqué 2017 – Jeune Afrique
Seulement quelques semaines avant le très attendu “classement des avocats français les plus puissants” réalisé chaque année par le magazine GQ, un autre classement d’avocats, dont la publication a cependant fait moins de bruit, est sorti. Il s’agit du classement des “50 avocat d’affaires qui ont marqué 2017” réalisé par les magazines Jeune Afrique et Jeune Afrique Business. Si Jeune Afrique se distingue largement de GQ en s’attachant spécifiquement à classer les avocats d’affaires ayant traité des dossiers francophones, il semble néanmoins pertinent de s’intéresser à ces ténors de la profession pourtant peu connus du grand public.
Un classement inédit des plus grands avocats d’affaires
Si Jeune Afrique établit des listes d’avocats influents depuis 2012, depuis deux ans, le magazine élabore le classement des 50 “femmes et hommes qui ont accompagné les grands dossiers en Afrique francophone”. L’hebdomadaire panafricain distingue son classement de celui de GQ grâce à une méthodologie bien précise, détaillée par la rédaction. En effet, le magazine a établit son classement sur la base d’un questionnaire auxquels cinquante cabinets d’affaires ont répondu en fournissant la liste de tous leurs dossiers traités en 2017.
Des critères de sélection destinés à encadrer le profil type d’un “avocat influent” sont également fournis, tels que le nombre de dossiers traités, la complexité de ceux-ci, les montants en jeu, mais aussi la diversité des pays concernés ou encore l’utilité économique et sociale. Au terme de cette analyse approfondie, ce sont cinquantes personnalités encore peu connues du grand public, mis à part quelques têtes d’affiches, que le magazine présente à ses lecteurs… de quoi enrichir notre index d’avocats !
Le classement de Jeune Afrique consacre cette année un avocat marocain implanté à Casablanca : Hicham Naciri. Habitué aux affaires d’envergure – il en a négocié pas moins de vingt en 2017, le magazine rapporte les propos d’un de ses confrères casablancais : “A chaque fois qu’une grosse opération fait la une des journaux, il est derrière, et ça ne surprend plus personne”. M. Naciri détrône donc de la tête du palmarès l’incontournable Pascal Agboyibor, avocat togolais officiant au sein du cabinet international Orrick Rambaud Martel dont il dirige le département Afrique.
Voir sur notre site : Hicham Naciri.
Un classement qui lève le voile sur le monde du droit des affaires africaines
Jeune Afrique note l’importance considérable prise par la ville de Casablanca au Maroc ces dernières années dans le monde des affaires, à tel point qu’elle est même devenue un moteur pour toute la région du Maghreb. Le Nord de l’Afrique, en pleine émergence économique et sociale, constitue maintenant un environnement propice à l’investissement.
Il est à penser que cette puissance relative nord africaine rayonnera sur les états voisins, notamment sur l’Afrique subsaharienne, encore timide sur la scène juridique. La réflexion sur l’ouverture d’antennes en Afrique subsaharienne est néanmoins enclenchée par plusieurs grands cabinets internationaux en réaction à la poussée de croissance du continent Africain.
On peut d’ailleurs citer quelques grands noms d’avocats africains, présents dans ce classement. Aux côtés de Hicham Naciri et Pascal Agboyibor, on retrouve notamment Roland Ziadé à la douzième place, un avocat libano-franco-équatorien diplômé d’Harvard, qui est notamment intervenu dans de nombreuses procédures d’arbitrage en 2017 en Afrique subsaharienne, Mohammed Sidiki Sylla, classé dix-neuvième, un avocat guinéen basé à Conakry, qui a conclu un accord important à 20 milliards de dollars entre la banque ICBC et la Chine pour la construction d’infrastructures, ou encore Kamal Nasrollah, avocat marocain à la tête du bureau de Casablanca du cabinet Baker McKenzie.
Des personnalités peu connues du grand public
Jeune Afrique précise “qu’à quelques exceptions près”, les avocats de ce palmarès demeurent inconnus du grand public. En effet, poursuit le magazine, ces ténors du droit des affaires sont connus et reconnus avant tout par “ceux qui s’y connaissent”. Pourquoi ? Parce que les avocats d’affaires oeuvrent généralement dans l’ombre, et leurs cas sont tenus loin de toute médiatisation, l’impératif de déontologie leur interdisant toute publicité ou divulgation d’informations confidentielles. Par exemple, dans le classement établi par GQ, nous notions déjà une sur-représentation des avocats pénalistes, aux dépens des avocats spécialisés en droit constitutionnel et des affaires. Cela démontre la pertinence du magazine à vouloir mettre en lumières des figures majeures pourtant inconnues dans la sphère publique, et leur volonté de produire un classement plus fidèle à la réalité de la profession.
En effet, cette sous-représentation des avocats d’affaires dans la sphère publique ne témoigne pas de l’importance que ceux-ci ont pris cette dernière décennie. Or leurs conseils sont devenus indispensables aux entreprises : ils sont maintenant entièrement intégrés à la chaîne décisionnelle de toute grande décision stratégique. Les montants financiers liés aux affaires considérables peuvent en témoigner. On notera par exemple qu’Yves Baratte, à la troisième marche du podium, associé chez Simmons & Simmons au sein du groupe spécialisé énergie et infrastructures, a géré pas moins de quinze dossiers d’envergure en 2017 et a notamment conclu une cession d’actifs de 500 millions de dollars.
Enfin, ce relatif anonymat des plus grands avocats d’affaires sur les dossiers africains est aussi à mettre en parallèle avec les secteurs de leurs dossiers. En effet, les avocats se spécialisent naturellement dans les dynamiques de développement interne des pays africains dans lesquels ils exercent. Ainsi, la majorité des dossiers du palmarès concernent les télécommunications, les ressources pétrolières et minières, ou encore le développement d’infrastructures et de transport, secteurs difficilement accessibles au grand public et peu enclins à être médiatisés.
Les femmes sous-représentées : GQ et Jeune Afrique, même combat
Chez Grands-avocats, nous décryptons depuis maintenant quatre ans le classement établi par GQ. Cette année, il nous a semblé intéressant de se pencher sur celui établi par Jeune Afrique. Et s’ils répondent à des objectifs différents, ils traduisent tous deux une même réalité du monde des avocats : la sous-représentation des femmes.
Ainsi, tout comme dans le classement GQ, les femmes restent encore largement minoritaires dans le classement Jeune Afrique. On décompte seulement six femmes (11%), malgré la volonté affichée de Jeune Afrique de présenter les “femmes et les hommes qui ont accompagné les grands dossiers de 2017 en Afrique francophone”. On pourra tout de même citer quelques noms à retenir : Yas Banifatemi, officiant chez Shearman & Sterling, d’origine iranienne et très active en Angola où elle a notamment représenté Sonangol, l’entreprise publique angolaise chargée de l’exploitation et de la production de pétrole et de gaz naturel, et Nina Bowyer, à la tête du département des questions énergétiques chez Herbert Smith Freehills et conseillère pour des entreprises pétrolières telles que Delonex, Energy, Sapetro ou encore Engie.
Voir sur notre site : Yas Banifatemi, Shearman & Sterling.
Paris, capitale du droit des affaires africaines
Enfin, si l’Afrique semble être la terre promise des avocats français – plus que francophones, les cabinets impliqués restent majoritairement parisiens. Paris reste donc la ville la plus adaptée pour exercer sur l’Afrique francophone. Tout comme dans le classement GQ qui laissait peu de place aux avocats exerçant en province, le classement Jeune Afrique consacre majoritairement des cabinets disposant d’une antenne parisienne, aux dépends des cabinets africains.
En effet, lorsqu’il veulent investir en Afrique, le réflexe des investisseurs est encore de se tourner vers l’espace francophone et de privilégier la France, et plus précisément Paris. A cet égard, Alain Malek, classé à la vingt troisième place du classement, expliquait en 2012 que Norton Rose, le cabinet pour lequel il est responsable de la région Africaine francophone, consacrait 20% de son temps à l’accompagnement d’entreprises marocaines en Afrique subsaharienne.
En effet, les entreprises africaines qui décident de s’implanter à l’international font généralement appel à des cabinets internationaux, mieux capables d’appréhender les enjeux du marché international. Cependant, de plus en plus se tournent vers les cabinets africains, dont certains réussissent à s’imposer hors des frontières du continent africain. On citera par exemple les cabinets Sylla & Partners et Thiam & Associés, tous deux implantés à Conakry en Guinée, ou encore Naciri & Associés, rattaché au cabinet international de renom Allen & Overy. On remarque néanmoins que ces cabinets africains sont souvent portés par une figure importante : Mohamed Sidiki Sylla, classé dix-neuvième du classement, pour Sylla & Partners, Baba Hady Thiam, avocat guinéen particulièrement actif dans les domaines des mines et de l’électricité, pour le cabinet qui porte son nom, et enfin Hicham Naciri, “super star des avocats d’affaires au Maroc” pour le cabinet Naciri & Associés, initialement fondé par son père, Mohamed Taieb Naciri, également bâtonnier et ministre de la Justice.
Voir sur notre site : Allen & Overy.
Au total, on recense seulement quatre cabinets africains (14%) dans le classement, contre dix-huit internationaux (64 %) – c’est-à-dire implantés dans plusieurs pays à la fois, et six français (21 %). De même, on compte seulement onze avocats africains (22 %) parmi les cinquante, contre trente six français (76 %), ce qui démontre de nouveau l’hégémonie française pour l’instant sur les dossiers africains. Jeune Afrique précise toutefois que les cabinets subsahariens qui centrent leur activité sur un seul pays n’ont pas été pris en compte, conformément aux critères précis de leur méthodologie, et que certains n’ont pas répondu à leur sollicitation.
Enfin, au sein même des cabinets internationaux, c’est généralement l’antenne française qui gère les dossiers africains. Bien souvent, les cabinets africains sont sollicités comme relais par ces antennes françaises. Paris est donc bien pour l’instant, “la capitale du droit des affaires” pour l’Afrique francophone…