Avocats et juges à l’unisson contre les cages en verre dans les tribunaux
C’est un nouveau combat qui anime les professionnels de la justice depuis l’ouverture du nouveau palais de justice de Paris en avril 2018. La présence de cages de verre dans de nombreuses salles pénales est largement contestée par une majorité d’avocats mais également de nombreux juges.
Prévu au nombre de treize sur vingt-sept salles dans un premier temps, leur nombre a, du fait de la polémique, été baissé à neuf par la ministre de la Justice Nicole Belloubet.
Pourtant les mécontentements ne diminuent pas et l’on demande à faire disparaître ces cages vitrées ou, tout du moins, penser à établir du cas par cas selon la dangerosité présumée du justiciable. C’est d’ailleurs ainsi que la Cour européenne des droits de l’homme le préconise mais cependant à titre très exceptionnel.
Cette autorisation entre tout de même en contradiction avec le premier argument défendu par les avocats pénalistes revendiquant la destruction de ces « cages de la honte ». En effet, ces box vitrés entièrement clos (si ce n’est qu’une légère ouverture évite un aspect « bocal hermétique ») ou partiellement fermés selon les salles concernées, contredisent le principe de présomption d’innocence établit dans la loi française depuis le 9 mars 2016. Laure Heinich, avocate pénaliste, ajoute qu’il s’agit d’une « humiliation » pour le justiciable, voire un parti pris avant même le jugement. C’est considérer que la personne enfermée est présumée coupable.
Un lien coupé avec la salle d’audience
Les avocats défendent également le fait que leur client, s’il est installé dans une de ces cages de verre, sera coupé du reste de la salle d’audience, mais surtout des discussions avec les avocats eux-mêmes. Comment peuvent-ils communiquer à travers une paroi de verre seulement ouverte de quelques centimètres ?
Les juges avouent également le disfonctionnement de ce procédé. Les vitres peuvent cacher certaines expressions de visage du justiciable, alors que le regard entre juge et jugé semble primordial pour faire une « justice humaine », selon les propres dires de Christian Saint-Palais, président de l’Association des avocats pénalistes (Adap).
Autre faille quant à la présence de ces box, celle de ne pas être directement reliée à la salle d’audience. En effet si le justiciable est appelé à la barre par le président, il ne peut y accéder qu’en ressortant du tribunal. Une simulation ayant été faite, le transfert de la personne concernée s’est fait en quarante-cinq minutes !
Vers une déshumanisation de la justice
Nécessaires face aux tentatives d’évasion, voire pour se protéger de certains individus violents, voilà les arguments portés en faveur de ces box en verre. Pourtant les détracteurs répondent que le nombre de tentatives d’évasion dans les tribunaux français est en baisse depuis 2017. Christian Saint-Palais affirme même qu’en tant que professionnel, il trouve cet argument « bancal ». Il avance même que l’installation de ces cages de verre aurait un tout autre but : celui, à moyen terme, d’éviter toute escorte humaine et les conséquences budgétaires qui en découlent. Pis encore, il s’agirait de vouloir relier directement la cellule de l’accusé au box de verre de la salle d’audience, afin d’éviter toute intervention extérieure, « exactement comme dans un zoo ».
Ces cages de verre, installées dans le nouveau palais de justice de Paris choquent les professionnels du milieu car ce nouveau bâtiment est perçu comme l’emblème de la justice française du XXIe siècle. Pourtant, de nombreux tribunaux en sont également dotés partout dans l’Hexagone. La colère et les arguments des juges et des avocats se fait déjà entendre puisque la garde des sceaux a d’ors et déjà autorisé aux présidents de tribunaux le démantèlement de ces cages vitrées s’ils pensent que cela serait nécessaire.