Affaire Mis & Thiennot : un nouveau procès 73 après les faits
En janvier 1947, Raymond Mis et Gabriel Thiennot confessent sous la torture le meurtre du garde-chasse Louis Boistard. En octobre 2023, il est décidé que leur affaire sera finalement rejugée en cassation après une septième requête de révision et des décennies de combat judiciaire.
La condamnation de Raymond Mis et Gabriel Thiennot, morts respectivement en 2009 et 2003, remonte à 1950. Le 5 octobre 2023 soit 73 ans plus tard, le fils de Gabriel, Thierry Thiennot, sort en larmes de la salle d’audience à la suite à la décision de la commission de révision de saisir la cour de révision. L’affaire Mis & Thiennot doit être rejugée.
Mais cette fois, interdit d’utiliser une trentaine de procès-verbaux et les nombreuses pièces à conviction qui furent à l’époque récoltés « à la suite de violences exercées par les enquêteurs », comme le stipule la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire de 2021.
7 ans de travaux forcés
La nuit du 29 décembre 1946, jour de fermeture de la chasse, le garde-chasse du château du Blizon Louis Boitard ne rentre pas à son domicile. Son corps est finalement retrouvé le matin du 31, criblé de plombs provenant de 4 tirs distincts. La semaine suivante, Raymond Mis et Gabriel Thiennot sont arrêtés et passent aux aveux sous la violence. Durant leur procès, les deux hommes reviennent sur leur confession, et l’avocat André Le Troquer axe leur défense sur le fait que celle-ci a été obtenue sous la pression violente des policiers.
Cela ne parvient toutefois pas à convaincre les jurés, et les deux hommes sont condamnés à 15 ans de travaux forcés après trois procès (les deux premiers jugements sont cassés en raison de vices de procédure à l’audience). Le président René Coty les gracie finalement sept ans plus tard, mais cela n’équivaut pas à une réhabilitation, et leur condamnation reste inscrite dans le casier judiciaire de chacun.
Seulement 12 procès révisés par la Justice sous la Ve République
Si le procès sera finalement révisé à titre posthume, cela reste une grande victoire pour Thierry Thiennot, le fils de Gabriel. Un succès arraché après 46 années de lutte, ainsi qu’un fait rare dans l’histoire judiciaire française. Mis et Thiennot deviennent en effet les treizième et quatorzième personnes dont la condamnation va être révisée, à l’instar des Patrick Dills, Marc Machin ou plus récemment encore Farid El Haïry.
Autre preuve de la difficulté d’obtenir un tel jugement, la décision du 5 octobre dernier est en fait la septième tentative entreprise par le Comité de défense Mis & Thiennot, créé en 1980 sous l’impulsion notamment du chroniqueur judiciaire Frédéric Pottecher et l’écrivain Léandre Boizeau. Autre fait étonnant : l’avocat général avait d’abord uniquement demandé la révision du cas de Raymond Mis, pour lequel l’utilisation de tortures avaient pu être prouvées. Finalement, aucune distinction ne sera faite entre lui et Gabriel Thiennot au moment de rejuger l’affaire.
Âgés de 21 et 20 ans au moment des faits, les avocats des familles ont toujours soutenu que les aveux avaient été obtenus sous la torture. « Une erreur judiciaire » et une injustice pour les deux condamnés, puis le combat d’une vie ensuite repris par leurs familles et ce fameux comité de soutien.
À voir si la révision de leur procès, dont la date reste pour le moment inconnue, permettra finalement de laver leurs noms.