[Action de Groupe #3] 3F : un succès mal assuré ?
Siège de 3F
Introduction
Le 3 novembre 2014, la Confédération nationale du Logement (CNL) annonce son intention de lancer une action de groupe contre la société Immobilière 3F, qui gère un parc de 200 000 logements sociaux. Comme à chaque fois, le communiqué de presse de l’association fait le tour des médias. 5 mois plus tard, comme toujours, il est bien difficile de savoir si l’avocat de l’association a bien déposé la plainte.
Encore une fois, la lecture des griefs de l’association et des réponses apportées par le professionnel laisse en sentiment mitigé : difficile d’être bien certain que cette class action pourrait aboutir. Les arguments semblent se valoir, sortant parfois du champ de la loi pour gagner celui de la morale. Il faut bien le dire, la CNL et 3F n’étant pas des acteurs majeurs, leur conflit intéresse sans doute assez peu la presse et l’opinion.
Faits et procédures de l’action de groupe contre 3F
L’annonce est lancée le 3 novembre, pour un dépôt de plainte qui devait être effectué courant novembre. Le grief porte sur la facturation de pénalités de retard de paiement par la société 3F : les contrats prévoient en effet une pénalité de 2%. La CNL considère que ce type de clause est abusif, dans la mesure où une telle sanction empièterait sur des pouvoirs que seul un tribunal peut avoir.
De fait, ces sanctions ont été explicitement rendues illégales par la loi ALUR de mars 2014, ce qui affaiblit paradoxalement l’argumentaire de l’association. En effet, les contrats de 3F ont évolué depuis la loi ALUR pour se mettre en conformité, et les manquements reprochés portent sur la période antérieure à cette loi. Or s’il a fallu une loi, ce peut être parce que justement la pratique n’était pas interdite auparavant.
Le professionnel, du reste, communique bien. Il indique que cette pénalité n’avait pas de caractère automatique et qu’elle était rarement appliquée, sur une clientèle comptant pourtant près de 20 % de locataires payant leur loyer en retard.
Analyse de l’action de groupe contre 3F
On laissera au juge, s’il est saisi, le soin de trancher la question de la légalité ou de l’illégalité de la pratique. On laissera aux communicants le soin de convaincre de sa moralité ou de son immoralité. L’avocat de la CNL a beau jeu de préciser que « ce type de clauses a déjà été jugé abusif à de nombreuses reprises, notamment par la Commission des clauses abusives » organe qui émet un avis consultatif et dont la fonction n’est pas de dire le droit.
Il nous a été impossible de confirmer ou d’infirmer l’existence réelle de cette class-action. Une chose est sure : si elle est lancée, il faudra des années avant qu’elle ne produise ses effets. Près de 7 mois après la publication du décret instituant l’action de groupe, il est déjà possible de dire qu’aucun effet immédiat ne se fait jamais sentir. Passé les tous premiers jours de l’annonce, plus personne ne parle plus de l’action avant bien longtemps.
L’action de groupe contre 3F, vraiment utile en droit de la consommation ?
L’étude du lancement de cette action de groupe ouvre des questions dont les réponses tomberont au fur et à mesure de l’avancée des actions déjà entreprises. Ouverte en octobre 2014, la possibilité d’initier des actions de groupe n’a sommes toutes fait que peu d’émules.
Quant à ceux qui se sont lancés dans l’aventure, les résultats sont plus mitigés que l’on aurait pu croire. On s’attendait à voir des chevaliers blancs pourfendre des abus manifestes et nombreux ; on voit des associations qui peinent à convaincre que les excès qu’ils dénoncent en sont bien.
Il faudra attendre quelques mois, ou années, pour voir se confirmer la tendance. Il sera peut-être alors possible de réaliser que notre droit était peut-être suffisamment armé pour prévenir les atteintes en droit de la consommation, et que les actions de groupe – que nous appelions tous de nos vœux – n’étaient peut-être pas absolument utiles dans ce domaine.