Asma Jahangir
Première avocate pakistanaise, Ashma Jahangir est investie dans la défense des droits de l’homme, de la démocratie et de la paix.
Asma Jahangir est née le 27 janvier 1952, dans une famille d’activistes pakistanais et défenseurs des droits de l’homme. Son père, Malik Ghulam Jilani était un membre éminent de l’élite dirigeante et un législateur à l’Assemblée nationale. Il a été placé sous résidence surveillée puis en détention pour ses idées politiques et le fait de dénoncer le gouvernement pakistanais pour les actes de génocide commis pendant l’intervention militaire au Bangladesh.
La mère d’Asma Jahangir s’est aussi battue contre le système traditionnel en lançant sa propre entreprise de vêtements lorsque, en 1967, les terres de sa famille ont été confisquées suite aux idées politiques de son mari. Asma Jahangir est donc devenue dès son plus jeune âge très impliquée dans la défense des droits et la contestation du régime politique et militaire en place. Elle s’est notamment battue contre la détention de son père ordonnée par Zulfikar Ali Bhuto, président du Pakistan à l’époque et père de Benazir Bhutto. En 1972, elle dépose un recours constitutionnel devant la Cour suprême pour contester son arrestation, se demandant si le gouvernement Bhutto était arrivé au pouvoir légalement, et finit par gagner son procès.
En 1978, Asma Jahangir obtient une licence de droit au Kinnaird College et à l’université de Punjab. Quelques années plus tard, elle obtient un doctorat honoraire de l’université de St. Gallen en Suisse, de l’université de Queens au Canada et de l’université de Cornell aux Etats-Unis.
En 1981, Asma Jahangir ouvre le premier cabinet de femmes avocats au Pakistan, avec sa sœur Hina Jilani. Elles deviennent les membres fondateurs du forum d’action des femmes (WAF), un groupe militant pour la défense des droits des femmes. En 1982, Asma Jahangir mène une marche de protestation à Islamabad contre une décision prise par le président d’alors Zia Ul Haq visant à appliquer les lois religieuses et à accorder peu de droits aux femmes.
En 1986, Asma Jahangir crée avec sa sœur AGHS Legal Aid Cell à Lahore, le premier centre d’aide juridique gratuite au Pakistan. Elle concentre également son travail sur la prévention de la persécution des minorités religieuses, de l’extrémisme et l’égalité des sexes.
Membre fondateur de la Commission des droits de l’homme du Pakistan, elle est également rapporteur spécial de l’O.N.U. spécialiste des exécutions sommaires, extrajudiciaires et arbitraires de 1998 à 2004 et rapporteur spécial de l’O.N.U sur la liberté de religion et les croyances de 2004 à 2010.
En 2006, Asma Jahangir est nommée à la Commission internationale d’établissement des faits des Nations unies sur le Darfour, au Soudan. Elle est également membre du Comité d’éminents juristes pour la lutte contre le terrorisme et la défense des droits de l’homme.
Asma Jahangir a fait partie, en novembre 2007, des cinq cent avocats, politiciens de l’opposition et militants des droits humains détenus lorsque le président Musharraf a déclaré l’état d’urgence. Elle est restée en résidence surveillée pendant trois mois.
Le 27 octobre 2010, Asma Jahangir est élue présidente de l’association du barreau de la Cour suprême du Pakistan et joue un rôle de premier plan dans l’accession de la femme au poste d’avocat, devenant la première femme à occuper cette fonction. Elle a également co-présidé le forum Asie du Sud pour la défense des droits de l’homme et est devenue la vice-présidente de la fédération internationale des droits de l’homme. Elle sert actuellement au sein du panel de l’O.N.U. pour l’enquête au Sri Lanka sur les violations des droits humains par les autorités sri-lankaises.
Affaires emblématiques & clients célèbres de Asma Jahangir
Depuis 1986, Asma Jahangir a défendu des cas très complexes. Elle a été menacée à plusieurs reprises notamment pour sa campagne contre les lois discriminatoires à l’égard les femmes et plus particulièrement contre le projet de loi de la preuve, qui prévoyait que la valeur du témoignage d’une femme serait réduite à la moitié de celle du témoignage d’un homme.
Asma Jahangir s’est également battue contre les ordonnances Hudood, qui prévoyaient que les victimes de viol devaient prouver leur innocence. En 1983, Asma Jahangir a protesté contre un jugement dans lequel Safia Bibi une jeune fille de treize ans, qui avait été violée par ses employeurs, avait été accusée de fornication et condamnée à trois ans d’emprisonnement et de flagellation. Le verdict a été annulé à la suite des protestations.
Asma Jahangir est également un fervent défenseur de la protection des droits des minorités religieuses persécutées au Pakistan et a dénoncé les conversions forcées.
En 1995, après avoir défendu Salamat Masih, un jeune garçon de quatorze ans de confession chrétienne, accusé de blasphème et condamné à mort, une foule s’est amassée devant la Haute Cour de Lahore et a fracassé la fenêtre de la voiture d’Asma Jahangir et agressé son chauffeur. A de nombreuses reprises Asma Jahangir et sa famille ont été attaqués, pris en otage, ont eu leur maison cambriolée et reçu des menaces de mort. Mais Asma Jahangir et son équipe ont continué à travailler sur l’affaire et Salamat Masih a été acquitté.
En 1996, la Haute Cour de Lahore a jugé qu’une femme musulmane adulte ne pouvait pas se marier sans le consentement de son tuteur masculin. Les femmes qui choisissent leur mari indépendamment pourraient être contraintes d’annuler leurs mariages. Asma Jahangir, qui a fréquemment défendu de tels cas, a mis en évidence les répercussions légales et sociales et dénoncé les violations des droits. Elle a été en mesure d’obtenir la libération de prison de plusieurs femmes accusées d’adultère ou accusées d’avoir eu un comportement sexuel «immoral».
En 1999, Asma Jahangir a défendu le cas de Saima Sarwar, réfugiée à Dastak après avoir quitté son mari et demandé le divorce. Saima Sarwar a ensuite été assassiné dans les bureaux d’Asma Jahangir, soulignant les immenses risques dans la prise de position sur des cas similaires au Pakistan.
En mai 2005, Asma Jahangir a aidé à l’organisation d’un marathon symbolique mixte à Lahore pour sensibiliser la population contre les violences commises sur les femmes sportives par les extrémistes religieux. Des groupes armés se sont violemment opposés à l’événement à la suite de quoi Asma Jahangir a été publiquement battue, dépouillée et détenue par la police.
Anecdotes
Dans un courriel envoyé depuis sa résidence surveillée, Asma Jahangir a écrit regretter le fait que le Général Musharraf ait perdu « la boule » !
Récompenses
Asma Jahangir a reçu plusieurs prix notamment :
- Roght Livelihood Award en 2014
- Freedom Award en 2010
- Hilal-i-Imtiaz, Sitara-i-Imtiaz, Ramon Magsaysay Award en 2010
- Martin Ennals Award remis aux Défenseurs des Droits de l’Homme en 1995
- Prix UNESCO/Bilbao pour la promotion de la Culture des droits de l’Homme
- Officier de la Légion d’honneur / France
- Asma Jahangir et Hina Jilani ont reçu le prix Millenium de la Paix, en 2001
- Prix Nobel de la Paix, en 2005
- Prix de la liberté de religion, en 2010
Dossiers associés
Projet de loi de la preuve
Ordonnances Hudood
Safia Bibi
Salamat Masih
Saima Sarwar