Que doit-on penser du classement des avocats les plus puissants de France de GQ ?
Depuis quatre ans maintenant le magazine GQ commet un classement, un Top 30 des avocats qui seraient les plus puissants de France. Est-ce bien sérieux ? Quelle pertinence peut avoir un tel baromètre provenant d’un support plus porté sur l’anecdote et l’accord chemise-cravate que sur l’enquête de fond ?
Il faut tout d’abord réaliser que le terme “avocat” ne couvre pour GQ qu’une portion très limitée de la réalité de la profession. Ainsi, vous n’y trouverez que peu de traces des grands techniciens ou des “parrains” du Droit des affaires. Ici, il s’agit plutôt d’affaires au sens pénal du terme. Les avocats pour GQ sont essentiellement des pénalistes ou des généralistes ayant eu à traiter de cas médiatiques.
Que signifie puissant pour GQ ?
Pour GQ un avocat puissant, c’est un peu une caricature en effet il est :
- un homme (80%)
- qui commence à avoir sa carrière derrière lui avec une moyenne d’âge à 54 ans et demi
- un pénaliste (43.33%) ou dans le pire des cas un pénaliste des affaires
- il exerce bien sûr à Paris mais ça ce n’est évidemment pas une surprise
- il peut être indépendant (43.3%) ou exercer au sein d’un cabinet avec des associés (56.7%)
La place des avocats d’affaires
Vraie faille de ce classement, la place risible laissée aux avocats d’affaires. Ainsi, ces spécialistes du monde de l’entreprise qui participent aux mouvements les plus importants qui traversent le capitalisme français et international ne représentent que 10% de ce palmarès.
Le classement des avocats les plus puissants de France devraient plutôt être requalifié comme étant le baromètre des “avocats les plus médiatiques de France”. Les avocats les plus puissants qui traitent des grands dossiers aux enjeux économiques considérables ne sont en effet pas soumis à la lumière des projecteurs comme peut l’être un pénaliste au coeur d’un fait divers particulièrement sanglant.
La place des femmes
GQ a révisé son palmarès pour y intégrer un nombre croissant de femmes, progrès qui mérite d’être salué. Arrive par exemple Françoise Cotta dont l’absence avait été soulignée par Philippe Bilger sur son blog. Les femmes avocats (certaines refusent d’utiliser le féminin) représentent donc 20% du classement et sont nouvelles pour cinq d’entre elles (sur six). Applaudissons l’effort du magazine ou plutôt sa prise de conscience tardive d’une profession qui se féminise et dont les grandes gueules laissent de plus en plus la place à des techniciennes hors pair.
Un bon point donc pour ce palmarès 2013 !
La médiatisation un critère à délaisser ?
Philippe Bilger stigmatisait la sur-valorisation par GQ de la médiatisation dans les critères qui semblent utilisés pour établir ce (bien peu transparent) classement. Il ne faudrait pas non plus sombrer dans l’excès inverse et ignorer la capacité à influencer les médias d’un as du barreau.
Le biais de la médiatisation consiste à faire apparaître certaines années des avocats qui n’ont pour seul mérite notoire que d’avoir un client au coeur de la tourmente. La qualité de leur prestation ou même leur maniement de l’outil médiatique ne semblent pas pris en considération, les journalistes de GQ ne faisant apparemment que la comptabilité du nombre de coupures de presse citant l’heureux élu.
Pour autant un avocat qui sait manoeuvrer les médias et donc l’opinion par ses prises de parole et son charisme peut être un atout de choix pour le client ou la cause qu’il défent. Un critère à relativiser donc mais à ne surtout pas supprimer.
Des noms à retenir
De l’encore jeune Richard Malka qui s’émancipe du strict Droit de la Presse pour atteindre une clientèle plus corporate comme LVMH, à son moins médiatique confrère Jean-Yves Dupeux, deux grands experts des médias qui méritent de venir fausser ce repaire de pénalistes.
Nouvelle apparition dans le classement, Yves Baudelot qui la mérite autant par sa qualité de technicien que par une discrétion de bon aloi que vient de rompre GQ.
Il convient également de saluer Françoise Cotta dont les plaidoiries n’ont rien à envier aux forts en gueule à la voix brisée par les cigares, à souligner aussi sa volonté de défendre “les petits”, qualité que l’on rencontre de moins en moins chez les pénalistes qui se rêvent de plus en plus en (grassement rémunérés) pénalistes d’affaires.
Et de grands oubliés
La liste des oubliés membres du barreau d’affaires serait trop longue, mais quelques noms peuvent tout de même être cités pour ce “baromètre de la puissance”.
A la tête d’un cabinet qui connaît de grands succès dans le domaines des fusions-acquisitions par exemple, Gilles August d’August & Debouzy aurait pu apparaître avec son entregent légendaire qui va d’Henri Proglio au récemment disparu Guy Carcassonne.
Et bien d’autres noms comme Thierry Lévy, Georges Kiejman, Aurélien Hamelle, Jean Reinhardt, Yves Repiquet ou encore Kami Haeri.
Autant de pistes pour améliorer le classement de l’année prochaine !